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Les Bus des Mémoires est passé ! Nous nous en souviendrons, le Livradois aussi !

Vendredi 1er décembre, à la toute fin des heures, quelques minutes avant de passer au jour suivant, le Hangar sud de l’aérodrome Paul Gorce du Poyet se vide de ses occupants. Presque une centaine de personnes étaient là, ensemble, à danser aux notes de Laurent Cinus et de Christophe Nurit, à écouter les noms de toutes celles et ceux qui ont témoigné de leur histoire, qui ont confié leur mémoire, et à boire le vin chaud bien nécessaire, préparé par Paul, Jean-Pierre, Thibaud, Marie-Paule et les équipes de l’aéroclub du Livradois-Forez.

En tout, avec les collégiens qui ont pris part à une représentation scolaire dans l’après-midi, et tous les témoins qui ont découvert la veille au soir la répétition générale, plus de cent cinquante personnes ont voyagé entre la Gare d’Ambert où ont joué les bénéficiaires des ateliers du Clic Livradois-Forez, la Gare de l’Utopie de Vertolaye, le Château de Mons et l’aérodrome ambertois.

 

 

 

 

 

 

 

Les Bus des Mémoires ont mis en mouvement autour d’une même dynamique de création plus de 500 personnes sur le territoire arverno-forézien, près d’une vingtaine d’organisations partenaires, lors des dizaines d’heures d’enregistrement, d’interview, de répétitions, d’ateliers et dans l’accueil de la compagnie Procédé Zèbre. Qu’elles et ils soient tous remerciés.

Elles sont nombreuses et ils sont nombreux, toutes celles et tous ceux qui ont été entendus et qui n’ont pas été entendus dans le Bus des Mémoires, toutes celles et tous ceux que nous avons croisés, que nous avons écoutés, avec qui nous avons souri, parfois pleuré, les voix d’ailleurs qui se sont faites voix d’ici, les voix d’ici qui sont ailleurs, les voix du passé rendues au présent :

  • Maria, qui devant sa fille Snejana et une grande coupe de gâteaux maison, nous a dit l’exil de quelques familles yougoslave en 1967.
  • Paul, que nous avons rencontré grâce à Jacqueline, et qui fréquentait dans l’Alger de son enfance le quartier du Petit Ambert.
  • Jean-Maurice, qui nous a parlé de syndicat et de chapelet, comme les livres de Jean-Paul Boithias, et comme les membres des ateliers d’écriture à la Librairie Tout un monde.
  • Jeannine, Marinette qui a 101 ans, Elise, Monique, toutes celles et tous ceux qui se sont réunis à la Résidence Fontaine de Goye pour nous parler du Bombardement d’Ambert et des bals de leurs jeunesses. Et ça dansait ! Croyez-nous !
  • Maryse, formidable professeure de français qui a demandé à sa classe de troisième de lire des poèmes à voix hautes, et Frédéric Molle qui a dit Oui à tout ! Allez-y ! Que nous pensons à lui !
  • Andrée, qui s’est faite faire une couleur pour assister à la générale et nous a dit les peurs des jeunes adolescentes pendant la seconde guerre mondiale.
  • Philippe, qui lutte pour que sa demeure soit le lieu de Mémoire qu’elle mérite d’être.
  • Louisa, qui a permis que les élèves de l’aide aux devoirs de la Fédération de parents d’élèves rencontrent le patois et l’école d’autrefois.
  • Ulysse, son fils Didier, et Noël qui nous ont parlé patois justement ! Ils nous ont dit le bonheur simple de ramasser les myrtilles, le son de la micheline et la violence dans les têtes de la guerre d’Algérie. Nous les avons rencontrés grâce à Laurent, merci Laurent !
  • Joël, professeur de philosophie avec les élèves duquel nous avons philosophé.
  • Geneviève qui nous a dit la Guerre d’Espagne, l’Espagne Franquiste, les caches et le Forez comme refuge, et son fils Serge, qui a trouvé ça bien. « C’est bien ce que vous faites ! » il a dit.
  • Hervé, qui au Relais travaille toujours en chantant, ou peut-être chante-t-il en travaillant.
  • Tous les scieurs de long.
  • Chantal, qui nous a dit que venir à Ambert depuis Job quand on est enfant, c’est déjà un voyage.
  • Toutes celles et tous ceux qui ont participé aux Ateliers du Clic Livradois-Forez, Jonathan, Elise, Yvonne, Yvette, Chantal, Gisèle, Simone, Jacques et Annie-France. Merci à Véronique et Angélique, qui les ont accompagnés.
  • André sans e, qui nous a dit comment une réfugiée du nord en 1918 allait devenir la grand-mère d’un député.
  • Les équipes du Grahlf et des Amis d’Henri Pourrat qui passent des heures à lire et à se souvenir.
  • Jean-Claude qui nous a dit qu’un territoire, ce peut-être les gens et les souvenirs qui l’habitent, plus que sa géographie et sa beauté.
  • Yolande, formidable Yolande, Toute petite mais immense, poétesse, plus qu’historienne, spécialiste du parler ambertois, qui est une source intarissable de précision historique, qui en a marre de travailler à 93 ans mais travaille sans cesse.
  • Pierre enfin, dont le fauteuil donne sur les montagnes et qui nous a dit dans le jour finissant, la honte de la misère au retour d’Algérie

 

Procédé Zèbre remercie évidemment l’association Semer en Territoire qui nous a adressé une très chaleureuse invitation, le Centre culturel le Bief, Dorothée, Axelle et tout le reste de l’équipe, Jérôme, Nathalie et toutes les équipes des services Culture et Médiathèques de la Communauté de Communes Ambert Livradois-Forez, les services techniques de la municipalité d’Ambert, Yvette, Gérard, Jacqueline, Michel, Gaston, Agathe, Ella et Antoine qui nous ont reçus, Toutes celles et tous ceux qui, chacune et chacun à leur endroit ont permis la réalisation de ces longues et formidables heures.

Merci appuyé et admiratif à Frédéric Bernard, à la magnifique lumière qu’il a conçue, d’avoir permis à tous de comprendre en un instant qu’un hangar d’aviation pourrait être un lieu de culture et de programmation. Qu’il fallait en rêver, et peut-être le faire. Nous savons maintenant que c’est possible.

 

 

Dernière ligne droite à Ambert !

Le froid est arrivé en Livradois-Forez avec la compagnie Procédé Zèbre ! Comme des flocons qui, les matins, recouvrent les villages les plus bas des pentes du Forez, Frédérique Mille, Christophe Nurit, Arnaud Redon, Fabrice Dubusset et Pierre Valente sont arrivés en Livradois-Forez lundi 27 novembre au matin.

Toute la semaine, le temps n’est plus à l’observation poétique des blancheurs, sont-elles attendues, mais au travail de construction et d’empilement.
Les personnes âgées du Clic travaillent tous les jours plusieurs heures pour présenter un travail de qualité, une performance unique et éphémère.
Frédérique Mille explore d’autres moyens de transport. Peut-être peut-on faire du Bus un avion des Mémoires ?

Arnaud se demande comment transformer un château en boîte Punk, et Christophe Nurit recrée un siècle musical avec le compositeur ambertois Laurent Cinus.
De son côté Pierre Valente trouve des solutions techniques pour éclairer, sonoriser, tout changer, et réinventer les mondes montrer.

Les Bus circuleront complets le 1e décembre mais le rendez-vous est donné à toutes et tous à partir de 22h, à l’aérodrome Paul Gorce du Poyet.
La soirée sera belle et unique. Les portes du Hangar sud seront ouvertes, toutes et tous y rentreront comme par effraction. Le rendez-vous est donné.

 

Les Bus des Mémoires dans les médias

[Les Bus des Mémoires dans les médias]
 
La Montagne parle de notre voyage en bus pour aller à la rencontre des grands événements du XX siècle !
 
📃 Bonne lecture de l’article :
https://www.lamontagne.fr/ambert-63600/actualites/le-bus-des-memoires-a-destination-des-conflits-et-exils-qui-ont-emaille-lhistoire-du-livradois-forez-au-xxe-siecle_14410301/
 
« Nous allons rencontrer des mémoires d’exils, de conflits… Nous avons recueilli des témoignages incroyables, des histoires de réfugiés venus du Nord en 1940, de bombardements dans le nord en 1918 qui ont impacté l’histoire de notre territoire car les gens sont venus se réfugier dans leur famille. Il y en a qui sont restés. Et puis il y a eu les Espagnols en 36… »
Petit aperçu du voyage en bus par Etienne Russias

En Livradois-Forez, les territoires ermites n’existent pas

« Montons dans le Bus des Mémoires 2023 pour trois semaines, où huit jours bien remplis vont vous faire voyager depuis nos feuilles blanches, où nous allons vous faire vivre avec nos souvenirs, la nostalgie de notre enfance et nos rencontres « au coin de la mairie ronde », peut-être contés depuis son canapé par Mme Yoyo.
Certains vont vous faire rêver avec les pêcheurs de perles, les scieurs de long, ou simplement quelques phrases pour un sourire. Tout est matière à réflexion pour faire voyager ses neurones sur les moments, échanger, partager. Surtout, n’hésitez pas !
Venez découvrir en une soirée les moments dans le hall des pas perdus à Ambert le 1e décembre. Des rires seront de rigueur, car nous y mettrons notre sérieux et surtout notre joie, pour que nos souvenirs restent à jamais dans VOS mémoires. »

– Yvonne, participante aux ateliers de Procédé Zèbre au Clic Livradois-Forez.

Le 30 octobre, Procédé Zèbre a repris la route du Livradois-Forez en organisant une réunion technique sur les différents sites où le Bus des Mémoires fera une halte. Nous remercions chaleureusement le Centre Culturel le Bief, Ambert-Livradois-Forez qui nous ont accompagné dans ces différentes visites.

Par ailleurs, les 31 octobre et 2 décembre, les ateliers ont repris au sein du Clic Livradois-Forez pour les personnes âgées qui se retrouveront sur la scène des Bus arverno-foréziens devant les scolaires et les habitants du territoire.  L’émotion est forte de se retrouver, nous écrivons des textes qui parlent de la mémoire, qui parlent de la seconde guerre mondiale et des scieurs de long.

Merci à Antoine Bouraly et Ella Peloquin, deux jeunes artistes du territoire dont les âges cumulés sont inférieurs à celui de la plus jeune de nos participantes.

Yvonne dit : « Qu’est-ce que ça fait du bien… », Jonathan répond « Oui, mais en Français ce n’est pas facile. » Lui, il est anglais, présent en Livradois-Forez depuis 16 ans, et il donne à notre Bus une dimension encore plus internationale.

Jonathan, ou une nouvelle preuve que les territoires ermites n’existent pas. Les Bus des Mémoires sont sur les routes.

 

De 1911 à la cuisine de Jean-Maurice, les chapelets et les syndicats

Samedi 9 septembre, nous sommes dans la cuisine de Jean-Maurice et qui nous raconte l’activité syndicale d’une petite usine de campagne dans les années 90. Ça pourrait être une histoire assez commune, celle d’un représentant du personnel qui se bat pour que les autres gagnent un peu plus à la fin du mois ou aient un peu plus de droits.

Mais, en Livradois-Forez, celle-ci n’est pas tout à fait commune d’histoire. Parce que les autres en l’occurrence, ce sont toutes des femmes et qu’elles sont travailleuses à domicile, monteuses de chapelet. Avec leur pince, les mêmes pinces que celles de leurs grands-mères, dans les années 90 elles travaillaient de chez elles, perpétuant le cycle des travailleuses à domicile du territoire, du chapelet ou de la dentelle.

Elles travaillaient sans aucune conscience de groupe ni de classe, et sans les droits qu’avaient les autres travailleurs de l’entreprise qui les employaient. Elles travaillaient enfin seules et étaient rémunérées selon une grille de rémunération qui, selon Jean-Maurice, « dataient d’Erode ».

Jean-Maurice nous raconte son histoire, celle d’un délégué syndical d’une petite usine de campagne qui demande, innocemment ou presque, dans une discussion avec la direction, ce que les travailleuses à domicile représentent en termes d’équivalent temps plein. En face de lui, pas de réponse et un malaise. De là, il comprend qu’il y a un lièvre à lever, et va aller à la rencontre de ces femmes isolées. Il nous raconte la réalité de ces travailleuses infatigables et exploitées.

Il nous raconte aussi la fin d’une histoire initiée en 1911 par les grandes grèves des travailleuses du chapelet de Job et Valcivières, puis par celles d’Ambert l’année suivante que Jean Anglade relate dans La Bonne rosée. En voici les premiers mots :

[1912]

Au printemps éclata une grève implacable parmi les chapeletières de la région ambertoise. Sans discours, sans organisation, sans C.G.T., ces pauvres bergères donnèrent aux polisseuses et émouleuses – grandes pâtissières en pain bénit et mangeuses d’hosties saintes – et même à leurs hommes, camarades syndiqués, une belle leçon de combativité et de socialisme.

Rencontrez cette histoire et toutes les autres lors du Bus des Mémoires en Livradois-Forez, en attendant, nous continuons notre exploration.

                     

12 septembre 1967 – La Planche

12 septembre 1967, en fin d‘après-midi – Une voiture sombre traverse La Planche, lieu-dit aux portes d’Ambert, véritable zone industrielle est de la ville. Elle passe devant la cheminée de briques rouges de l’usine de médailles et de coupes qui a embauché deux réfugiés juifs d’Europe de l’est après la seconde guerre mondiale, et s’arrête doucement, au croisement de la route de St Etienne et de la rue qui deviendra plus tard celle des Frères Angeli. Ces frères-là, ils étaient artistes. Le premier, poète, est décédé en 1917 sur les champs de bataille du nord de la France. Le second, en 1967 il est encore en vie et continue de produire des estampes et des xylogravures. On lui doit, entre autres, la décoration de la salle du conseil de la ville de Clermont-Fd, qu’il a achevée en 1937.

Photo : 1967, vieux moulin à papier de Bas, Ambert

Au croisement de la route de Lyon et de cette rue, il y a deux chalets de bois qu’on peut encore y trouver cinquante-six ans plus tard, et donc une voiture qui vient de s’y arrêter. Un premier homme en descend et il lance joyeux : « Venez donc. Ma maman vous a préparé un dîner pour marquer votre arrivée. » Un second descend à son tour en répondant : « Allons y. » Tout de suite, on devine qu’il n’est pas d’ici. Il a un accent lourd qu’un an et demi à travailler sur les chantiers du Livradois-Forez n’ont pas encore gommé. Cet accent, il ne le perdra jamais tout à fait. Il commence à avancer vers la porte d’entrée mais se retourne et voit que les autres occupants de la voiture ne descendent pas.

Il gonfle et les muscles et la voix mais les trois enfants et la femme qui occupent l’arrière de l’habitacle ne descendent pas. On entend sortir de la maison « Jean-Pierre, qu’est-ce qui se passe ? » et immédiatement le premier homme, Jean-Pierre donc, réapparait et s’inquiète de la raison pour laquelle la femme et les enfants ne descendent pas. Puis un homme plus âgé apparaît, il ressemble à Jean-Pierre, ou plutôt Jean-Pierre lui ressemble, et il pose les mêmes questions que son fils. Il tente de rassurer : « Mais venez enfin. Vous allez voir, ma femme cuisine très bien ! Et c’est pour vous ! Vous savez nous sommes ravis de vous accueillir. Enfin… ne faites pas cette tête… »

A l’intérieur de l’habitacle, rien ne bouge. La femme ne lève toujours pas la tête. Rien ne bouge, si ce n’est le rouge qui, c’est indéniable lui monte aux joues. L’homme aux bras aussi épais que l’accent commence à s’énerver et demande ce dont on a l’air, comme ça, au milieu de la rue. La femme baisse encore la tête, l’enfonce toujours plus dans ses épaules alors que personne n’eut pu croire que c’était encore possible.

Finalement, une femme sort de la maison et, avec tendresse, regarde à l’intérieur de la voiture. Elle se retourne vers les trois hommes tendus et, le regarde sévère, leur lance : « Ça ne va pas non ? de brusquer comme ça cette petite ? Et si elle n’avait pas faim ? Et s’il y avait mieux à faire que vous écouter échanger des bêtises à table ? Vous ne pensez pas qu’elle préférerait prendre un bain ? Aaaahhhh, vous ne comprenez rien aux femmes vous ! Qu’est-ce que je vais faire de toi Jean-Pierre ? Si tu es comme ça, je vais avoir du mal à te marier… »

Sur la banquette arrière, la jeune femme pleure et enserre ses trois enfants. Elle n’a rien compris à l’échange qui vient d’avoir lieu, mais a parfaitement saisi qu’on vient de prendre sa défense et de comprendre qu’elle ne pouvait pas faire bonne figure. Depuis trois jours, elle n’a pas pu se laver, elle n’a pas bu à sa soif et à dû trouver des astuces pour nourrir ses trois enfants dans les trains qui l’ont arrachée à sa Macédoine natale pour la conduire là, à Ambert, où son mari a été appelé par une entreprise de maçonnerie, où il lui a ordonné de le rejoindre, et où elle ne voulait pas venir. Depuis trois jours, elle pleure parce qu’elle pense qu’elle ne verra plus sa famille.

En passant le dernier col, elle a vu ce qu’elle a identifié comme « de la neige bizarre ». Elle ne sait pas ce que c’est, mais elle pense que la France ce n’est pas ça. « Ambert ce n’est pas la France » pense-t-elle. « La France, c’est propre et couvert de châteaux. » Elle imagine que jamais elle ne remangera le Paprikash que sa maman prépare mieux qu’elle. Elle imagine qu’elle est arrachée et ne trouvera plus à s’établir. Pour l’instant, elle a tout ça en tête. L’aube qui se lève sur Lyon où Jean-Pierre et son mari l’ont récupérée à la gare, le col des Pradeaux dont elle ne connait pas encore le nom et sa « neige bizarre » en septembre, l’immense tristesse qu’elle a senti s’ouvrir en perdant de vue la gare de Skopje. Pour l’instant, elle n’a pas le cœur à faire semblant de sourire, et à rencontrer celle qui, elle le sent bien, vient de l’accueillir le plus élégamment possible, vient de la comprendre, et de lui montrer que les femmes d’Ambert lui feront une place.

Mardi 29 août, cette jeune femme en pleurs, qui n’est plus tout à fait aussi jeune et ne pleure plus, et sa plus jeune fille Snejana ont donné à notre équipe l’histoire de cette arrivée et des années qui ont suivi à Ambert. Elles ont peint les immeubles d’immigrés des années soixante-dix et comment une famille yougoslave a traversé depuis l’Auvergne la fracturation de leur pays.

On a recroisé les histoires de la Seconde guerre mondiale que nous avions avant entendues. On a découvert de nouveaux liens, et tiré de nouvelles histoires. Le rendez-vous pour Snejana et sa maman est donné, vendredi 1e décembre, à 20h, pour Les Bus des Mémoires en Livradois-Forez.

Les Bus des Mémoires en patois, Qui que ma co !

Vendredi 23 et lundi 26 juin, Procédé Zèbre s’est associé à l’Institut d’études occitanes du Puy-de-Dôme pour mener deux entretiens croisant les problématiques du Bus des Mémoires et celles de la conservation et du collectage linguistique.

Vitalo Iva, premier acheteur important de myrtilles sauvages
Ensemble, nous sommes partis sur les traces de Vitalo Iva, premier acheteur important de myrtilles sauvages et qui a activement participé au développement économique des tourbières, grâce aux témoignages d’Ulysse Monteilhet, 91 ans, et de son fils Didier.
Ils nous ont raconté le sentiment d’exaltation des cueilleurs de myrtilles et comment cette pratique avait vu une large diffusion grâce à la commercialisation possible. Ainsi, nombres de travailleurs du Livradois-Forez, après avoir fait leur journée de travail, arpentaient les monts et les vaux à la recherche de « l’Or noir », de cèpes qu’éventuellement ils faisaient sécher, de girolles, de lactaires délicieux, qu’on appelle les sanguins, etc… Ils nous ont raconté le courage inlassable de ce qu’Henri Pourrat appelait « Le Fier peuple travailleur d’Ambert » et, sans doute en sous-ligne, sa solitude. « Quand on revient au monde, ça fait drôle » nous disent-ils.

Noël Douarre, roi incontesté des nuits ambertois
Nous avons également rencontré Noël Douarre, roi incontesté des nuits ambertois entre 1970 et 2010, organisateur infatigable d’événements, de fêtes, de soirées, tenancier de parquets de bal, de discomobiles et de boîtes de nuit.
Celui-ci nous a raconté, passant sans peine du français au patois qu’il parle impeccablement, un ensemble d’anecdotes, chacune plus pertinente. Allant de l’enseignement du français par la violence, dans les écoles élémentaires du Livradois dans les années 40, au sentiment de peur qui habitait les adolescents ambertois quant à la guerre d’Algérie. Nous avons vu, une nouvelle fois, l’Algérie sourdre là où nous ne l’attendions pas. Enfin, il nous a raconté comment l’enfant qu’il était a été effrayé par la première auto dans laquelle il est monté, qu’il a pris le train pour la première pour faire ses classes et comment le son de la Micheline sonnait les heures pour toutes celles et ceux qui, dans la vallée, l’écoutait.

Ces témoignages forment la charpente des Bus des Mémoires et structureront la proposition artistique qui sera faîte dans quelques mois.

Rendez-vous le 1 e décembre 2023, à Ambert, et en attendant sur le site de l’Institut d’Études Occitanes.

Merci à Laurent Boithias et à tous les militants de la conservation des langues locales.

Ambert // Le rendez-vous est pris

Procédé Zèbre a secoué les résineux arverno-foréziens pendant une semaine pour en faire tomber les histoires.
A la fin de notre résidence, elles sont nombreuses les personnes qui ont croisé Frédérique Mille, Pierre Valente, Fabrice Dubusset, qui ont accepté de témoigner devant un micro, d’enregistrer des poèmes, de dire le secret qui est le leur et l’intime de leur mémoire.

Merci à Jacqueline, Flore, Yvette, Gérard et à toutes et tous les bénévoles de l’association Semer en Territoire avec laquelle le cable se renforce, un cable d’amitié et de solidarité comme on en fait dans la tradition industrielle du Livradois-Forez.
Merci à Dorothée et au Centre culturel Le Bief, à Jérome et à la Communauté de Communes, à Philippe au Chateau de Mons, à Emmanuel au Moulin Richard de Bas, à Nathalie et l’équipe de la Gare de l’Utopie.
Merci à Jules, notre nouveau conducteur de train touristique, à Michel son papa et à Laurent pour la visite et la compagnie.
Merci à Hervé, à Corine et à Gazon pour nos formidables déjeuners.
Merci à Maryse, Joël, Véronique, Louisa et Cathy pour la mise en place de rencontres, d’ateliers.
Merci à Dorian, Alexandra et Nina pour avoir mené l’enquête avec nous.
Merci enfin à Chantal, Paul, Isabelle et Jean-Claude pour avoir accepté de témoigner.

Nous avons, le temps d’une semaine, créé une dynamique qui déjà porte ses fruits. Nous recevons de nouveaux appels, de nouveaux témoins apparaissent. Ils vont parler et nous dire les montées en transhumance, l’arrivée des réfugiés espagnols et les soutiens qui existent encore sur les marges. Ils vont parler et nous dire qu’il faut revenir. Le rendez-vous est pris. Comme dans les maquis arlancois, comme on remplit un formulaire de soutien, comme on met son nom sous un risque d’amende, comme on nie le risque nous reviendrons. Livradois-Forez, courageuses pentes, nous reviendrons.

On cherche, entre salles de cours, amphithéâtre et parquet ciré.

Le Livradois accueille avec sourire et bienveillance l’investigation mémorielle de Procédé Zèbre. Ainsi, des enfants apprennent à compter en patois, ce qu’est un Mandol et à chanter Adiou, Pauv Carnaval. Ils mènent une sévère enquête sur le passé des écoles rurales et sont tour à tour inspecteurs, technicien et lisent à voix haute leur rapport d’enquête.

Les personnes âgées du territoire se mettent déjà en scène et alors que Monique apprend à mourir théâtralement dans les bras d’Yvonne, Annie-France se prend à voir le Livradois-Forez comme un territoire refuge possible.

« Quels seront nos exils ?

–        Une grande maison en bois, à la campagne, pour accueillir toutes les âmes égarées.

–        Un ou deux chiens pour nous protéger.

–        Un ou deux chats pour attraper les souris.

–        Une ou deux chèvres pour avoir du lait et fabriquer d’excellents fromages.

–        Deux, ou plus, poules pour obtenir de bons œufs.

–        Ne plus obéir aux ordres.

–        Vivre libres et sans contrainte.

–        Écrire le roman de ses origines.

–        S’habituer à une nouvelle vie, oublier le confort.

–        S’habituer à l’idée de non-retour. » – Annie-France, plus de soixante-dix ans, mais toujours souriante.

Nous écoutons Jacqueline nous mener dans les méandres ambertois et le récit de Paul, qui nous parle du Nouvel Ambert. Pierre tient son micro tendu, Frédérique, Fabrice et Etienne posent des questions qui trouvent ici bien des réponses.

Il y a eu un maquis ici vous savez. Personne n’en parle trop, mais il y a eu un maquis. Ils étaient soixante-dix dans la forêt. Les maquisards ici, on dit qu’il y a eu les bons, et les moins bons vous comprenez… C’est facile à dire maintenant, les maquisards… Mais à l’époque, on n’était pas tranquille. Et ce médecin qu’ils ont tué, ils ont peut-être eu raison mais c’est lui qui avait sauvé ma petite sœur. Elle avait l’appendicite je pense.

Enfin, on écoute ce qui se dit dans les rassemblements, on écoute les textes écrits par un groupe de volontaires qui se réunissent dans une librairie, on écoute aussi ce qui se dit au Forum Jeunes où une lycéenne nous dit qu’elle à grandi à Madagascar et que quand on passe d’une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants à une maison au Monestier, on voit une vierge sur un rocher, et qu’on se sent un peu seule.

Nous remercions chaleureusement Dorian, jeune ambertois qui a partagé notre investigation, Alexandra, notre comparse autrichienne de jeu et de recherche, Dorothée, Didier et Hélène.

La préparation continue – Le Livradois-Forez en mouvement !

Le travail de préparation fait bouger le Livradois-Forez. Les aînés se réunissent dans le cadre d’ateliers avec le Clic Livradois-Forez, des enfants de l’aide au devoir des Fédérations de Parents d’élèves écrivent sur ce qu’ils imaginent de l’exil. Des collégiens s’entraînent à lire des poèmes, et tous se mettent en mouvement et échangent sur la mémoire de leur territoire.

Au travers de notre large campagne d’action culturelle, nous réussissons à mobiliser de nombreux habitants pour préparer notre venue.

La Gazette de Thiers-Ambert relaie ce jour notre campagne d’entretiens personnalisés sur le terrain. Merci à Laurence Tournebize, la journaliste, et à toutes celles et tous ceux qui se mobilisent pour permettre la réussite de notre projet.

J’ai l’excitation de partir en voyage sur une île. C’est fort de faire sa valise pour partir en migration. Un ancien ami à ma maman a dû partir en exil. Je suis triste car les migrants doivent se cacher.

Il y a des voyages heureux, et d’autres courageux.

–         Tristan, 7 ans, et sa maman Flore.