Comme des vagues qui ne veulent pas mourir // Fin de stage en Autriche
Du 18 au 23 mars 2022, Quatre élèves du lycée St Pierre, la professeure d’allemand Mme Carré et l’équipe de Procédé Zèbre ont travaillé au sein du BG/BR Gymnasium de Perchtoldsdorf, autour d’une performance pensée par les élèves et les professeurs de l’institution autrichienne.
A partir du reportage Surviving Gusen, les seize jeunes européens réunis ont découvert l’histoire de ce camp de travail, souvent ignoré car dans l’ombre sordide de Mauthausen, et ont proposé, par le travail corporel et performatif de transmettre à un public encore intimiste, la sensation des corps compressés, des corps qui œuvres, suent, souffrent et espèrent dans les wagons à bestiaux qui les transportaient vers Gusen, vers les camps de la mort, ou sur les lieux où les prisonniers perdaient la vie en creusant des tunnels immenses, destinés à recevoir d’autres voies de train.
Au long de la semaine, des liens évidents se sont tissés entre les élèves français, autrichiens, avec les professeurs et l’ensemble des personnels impliqués dans le projet. Deux classes ont profité de la venue de l’équipe de Procédé Zèbre pour organiser des temps de discussion en leur sein. Là encore, les rendez-vous ont été pris pour continuer à se rencontrer et à échanger. Ainsi, une classe autrichienne va assister à l’inauguration de Water is Memory, découvrant ainsi le travail de la Compagnie Lelastiko, également impliquée dans WiM Laboratories Iuvenis II.
Les rencontres avec les mémoires ont été nombreuses. Ainsi, en regard des exilés nombreux de la seconde guerre mondiale et évoqués par l’auteur autrichien Stefan Zweig dans Souvenirs du monde d’hier, mémoires d’un européen, les participants ont pu prévoir une performance en 2023 au sein du Joe TeeCafe, un bar culturel près du lycée dont la directrice est une autrichienne travaillant aux États-Unis, et au sein duquel Ayman, sympathique travailleur francophone, nous a offert l’histoire de ses migrations successives en Europe, puis en Russie, en Ukraine et enfin entre Vienne et Perchtoldsdorf où il perfectionne sa sixième langue parlée.
Les élèves ont pu visiter une partie de Vienne, les jardins du Château de Schönbrunn, le Café Korb, la calme Place des Juifs, et le marché oriental. Là, San, vendeur de sucrerie leur a confié l’histoire de son père qui à douze ans, a quitté sa Cappadoce natale pour partir travailler à Istanbul. De là, voyageur à la recherche de labeur et de soutien pour ses jeunes frères, il a trouvé de premières opportunités comme éboueur, puis employé de la restauration rapide et comme ouvrier en Autriche. Ses quatre enfants, à l’instar de San, travaillent ardemment à Vienne, suivant l’exemple paternel, en marge de leurs études supérieures. Le contact est pris, et les élèves intervieweront l’année prochaine le voyageur maintenant retraité, pour écouter son corps raconter les emplois délaissés, son allemand teinté de turc et sa voix, que San nous a promis éraillée.
L’Autriche, au cœur de migrations internationales, douloureuses ou réussies, choisies ou subies, s’est retrouvée dans le travail de création des élèves. Les professeurs autrichiens ont choisi d’incarner ces déplacements dans le rythme et la musique d’un train avançant sur les voies, rythmes reconstruit par l’équipe du Procédé et le musicien Johannes Bohun, percussionniste ayant collaboré avec le fameux groupe britannique Stomp, intervenant occasionnel au près du groupe ambitieux du Gymnasium.
Les souvenirs sont forts, rires, émotions de la rencontre avec les familles autrichiennes qui ont accueilli les élèves françaises, émotions des textes dits et redits en allemand et en français par l’ensemble de la troupe réunie, d’exercice précis, terminés en communion chantante, et les embrassades sont nombreuses au moment de se dire à bientôt.
La troupe d’une semaine se réunira à nouveau à Vichy, en mai, pour la 7 e édition de Water is Memory, participera à la grande parade des Porteurs de mémoire et à la soirée Nos laboratoires, les jeunesses européennes le lundi 23 mai au Centre Culturel de Vichy.
Procédé Zèbre remercie chaleureusement et avec émotion l’ensemble des acteurs de cette formidable semaine, Anna, Valérie, Jacob, Alina, Léa, Lorenz, l’autre Léa, Letizia, Laura, Talia, Nina, Eleana, Constance, Garance, Marie, l’autre Anna, Alexandra, Mathias, San, Ayman, Birgit, l’autre Birgit qui n’a pas quitté nos pensées, Joe donc, les familles qui ont accueilli les élèves et tous ceux à qui des remerciements sont dus.
Il est difficile de ne garder qu’une dernière image ou une dernière parole, mais entre les réflexions joyeuses sur l’industrie autrichienne de la chaussette, les questionnements philosophiques sur les raisons possibles d’aimer Sissi ou encore sur la possibilité pour une personne myope de voir ses pieds sous la douche, il semble difficile de ne pas se souvenir d’un échange savoureux dans l’avion qui nous amenait à Vienne, et qui allait donner la couleur poétique de notre travail :
- « Un jour, je vivrai dans les nuages.
- Ca n’est pas possible, malheureusement.
- Je m’en fous, je deviendrai ingénieure… »