Albert Londres à l’Université, et boucle la boucle !

Jeudi 16 novembre, l’équipe de Procédé Zèbre se produit à l’Université de Guyane en compagnie d’une vingtaine d’étudiants de toutes les facultés, et de tous les niveaux. On entend parler de jugements et d’appels et de pourvois en cassation, autant que de traités d’économie et de sociologie guyanaise dans les équipes qui travaillent avec nous. Nous nous sentons grandis de l’échange et déjà retrouvons l’envie d’aller écouter les cours donnés dans les salles voisines.

Nous empilons les tables pour recréer un monde. Elles deviennent des cellules multiples sur les murs universitaires. Déjà on imagine les têtes des bagnards qui apparaissent en leur vide, recréant dans nos imaginaires l’horreur des têtes survenues que décrit Londres.

« On n’ouvrit pas la porte, mais le guichet. Une tête apparut comme dans une lunette de guillotine.

– Oui, oui, dit Dieudonné, je suis surpris, je n’avais pas entendu. Je voudrais vous parler. Oui, oui, pas pour moi, mais en général.

Il était forcé de se courber beaucoup. Sa voix était oppressée. Et c’est affreux de ne parler rien qu’à une tête. Je priai d’ouvrir.
On ouvrit. »  – Albert Londres,
Au bagne.

 

Nous avons travaillé avec le groupe d’étudiants sur les Îles du Salut, deux fois trois heures et avons repris le travail trois heures de plus pour explorer ensemble Chez les fous et les passages traitant de la folie d’Au bagne. L’Université a un regard particulier quant à la conjugaison des mots « citoyenneté » et « handicap ». Elle s’attache à ce que le plus d’expériences possibles dans ses murs soient un objet de réflexion. Avec les étudiants, nous réfléchissons, donc, au chemin parcouru depuis que l’Île des lépreux a arrêté d’être un cloaque, un asile, pour devenir la destination des balades en pirogue sur le Maroni.

Le jour de la restitution et du spectacle, ils sont plus nombreux encore à se réunir et à vouloir profiter de notre présence. Ainsi Nédeline est Melle Suzanne, patiente dont la folie se traduit par un amour absolu de son médecin, Lamare, Sterlin et Amos racontent les fous du Bagne, Ruth-Gina et Jeanne nous proposent le cri d’Albert Londres pour la mise en place de véritables processus de soin en psychiatrie.

« Nous vivons sous le préjugé que les maladies mentales sont incurables. Alors, on jette dans un précipice les gens que l’on en déclare atteints. On ne fait rien pour les sortir du puits. S’ils guérissent seuls et que cela se voit trop, on les laisse s’échapper après mille efforts de leur part. S’ils gesticulent, on ne les calme pas, on les immobilise. Pour se mettre en règle avec sa conscience, la société de 1838 a bâti une loi. Elle tient en ces mots : « Ce citoyen nous gêne, enfermons-le. S’il veut sortir, ouvrons l’œil. » Notre devoir n’est pas de nous débarrasser du fou, mais de débarrasser le fou de sa folie. Si nous commencions ? »
– Albert Londres,
Chez les fous.

 

Nous jouons enfin le spectacle et les ombres sont multiples, partout, à chaque tableau différent. Le travail de création de Pierre Valente est mis en valeur et met en valeur Arnaud Redon, le comédien. Le théâtre est une création collective. Ça n’a jamais été aussi vrai. Nous prenons date avec les jeunes, avec le public présent. Nous reviendrons.
Joyeux anniversaire à l’Université de Guyane qui fête cette année ses 10 ans. Nous avons fait notre part, nous reviendrons.
Merci à Florence Faberon pour son énergie et son envie de faire

 

 

Vendredi 17 novembre, nous fonçons à St Laurent du Maroni pour présenter une sixième et dernière fois en Guyane, en 2023, Au bagne. Les trois heures de route sont vite avalées. Nous faisons une simple halte à la boulangerie de Sinnamary. Sinnamary est devenu notre point de repère, le milieu de notre route, un rendez-vous que nous voudrions avoir régulièrement. Nous voulons en savoir plus sur EUDOXIE HERMINE BABOUL, doyenne des français, décédée en 2015. Nous trouvons que l’idée de lui dédier un gymnase dirigé vers la jeunesse est géniale. Nous nous disons que là aussi, nous retournerons.

Enfin, nous arrivons au Collège Albert Londres qui a eu l’amitié et la réactivité de nous recevoir, pour porter la voix du reporter dans le collège qui porte son nom. La boucle est bouclée. Pierre et Fabrice suspende des ampoules sous les tôles du Gymnase. Christophe branche son accordéon, teste le son et se dit que, pour un gymnase, le son n’est pas si mal. Arnaud et Etienne installent les tapis de sol, nous sommes dans un gymnase après tout, et les chaises. Tout sera bientôt prêt et plus de cent vingt enfants profiteront du spectacle. Il pleut à verses. Albert Londres, une sixième fois.

Merci à Mme Sandrine Dumont, principale adjoint et à l’ensemble des équipes logistique et d’entretien qui se démènent pour nous accueillir.