Dans les coulisses d’un « fil rouge »

« J’ai rencontré́ le Juif errant. Il marchait dans les Carpathes, peu après le village de
Volchovetz. Ses bottes étant trouées, on voyait que ses chaussettes l’étaient aussi. Un
caftan bien pris à la taille l’habillait du cou aux chevilles. Sur sa chevelure noire, un
chapeau large et plat d’où̀ s’échappaient deux papillotes soignées achevait la silhouette
légendaire. Une étoffe à carreaux formant double besace, dont l’une battait son ventre,
l’autre son dos, pendait de son épaule gauche. Il allait à grandes enjambées, marquant
son chemin dans la neige…
Il était né à Cluj, en Transylvanie. Les pogromes de 1927 l’en avaient chassé. Battu par
les étudiants roumains, sa maison brulée, la Thora souillée en place publique, il avait fui. À
Cluj, il était marchand sur les marchés. Maintenant… »
– Extrait du reportage d’Albert Londres – « Le juif errant est arrivé »

Les 25, 26 et 27 janvier, Fabrice Dubusset était à Aiud pour travailler avec les jeunes du lycée Titu Maiurescu de la ville, et préparer la performance du 30 janvier.

Pendant ce temps, Arnaldo Ragni entamait le travail avec les jeunes du Lycée de Hida les 26 et 27 Janvier. Les deux groupes ont été réunis les 28 et 29 Janvier à Zalau avec la participation de Sébastian Valcéa (comédien professionnel roumain).

Lundi 30 Janvier, à la maison de la Culture de Zalău à l’occasion d’un colloque sur la mémoire aux victimes de l’holocauste, Toute la jeunesse roumaine avec laquelle nous travaillons a réussi à emmener l’émotion sur scène. Les mots d’Albert Londres, interprétés par Sébastian Valcéa et pour la première fois traduite en roumain, décrivant la rencontre avec son « Juif errant » de Roumanie, ont accompagné la jeunesse des étudiants d’Aiud et de Hida.

La performance de ce « Fil rouge » a touché plus de 500 spectateurs, présents et émus. La force de l’imaginaire et l’engagement de la jeunesse viennent renforcer les mots de Primo Levi et de Rachel Franco que les actrices et acteurs ont su mettre en voix sur scène.

Voix d’un chemin de faire, encore et toujours, pour lutter contre la mémoire courte d’aujourd’hui !

Grand merci aux Professeurs Gabriela Galea et Daniela Ardelean qui savent combien il est important de mobiliser les jeunes autour des mémoires plurielles.

Merci à la communauté Juive de Zalau pour sa confiance.
Merci à l’équipe technique de la maison de la culture.

Un projet « Laboratories Iuvenis II », les Laboratoires Jeunesses, soutenu par l’Union Européenne – programme Erasmus + conduit par Procédé Zèbre.
Direction artistique : Fabrice Dubusset et Arnaldo Ragni. Régie Pierre Valente.

« Complexe Roumanie » :
Du 31 janvier au 3 février la compagnie Procédé Zèbre était à l’USAMV (Université Agricole et de Médicine Vétérinaire) de Cluj avec 10 étudiants du groupe théâtre , un groupe motivé et impatient de commencer le travail autour du texte de Mihaela Michailov « Complexul Romania », une pièce de théâtre contemporaine, axée sur la période communiste du dictateur Ceausescu, vue à travers le regard d’un enfant : Georgescu . L’autrice a ressenti la nécessité d’un texte sur son parcours, sa famille, le regard des autres… Sans complexe elle aborde la Securitate, la révolution nationale et aussi le devenir économique du pays où de nombreux roumains ont été dans l’obligation de trouver du travail à l’étranger…

Avec joie et plaisir de jouer en roumain et aussi en français, le groupe universitaire a pendant trois jours exploré les personnages, les motivations de chaque séquence et insufflé leur dynamique de jeu dans cette performance qu’ils vont présenter en Mai à Vichy pour le festival Water is Memory et aussi en Juillet à Cluj pour la rencontre transnationale des partenaires des différents pays du programme « Laboratories Iuvenis II ».

« Dans la prison Doftana ils m’ont mis un foulard et m’ont dit d’être fier. Et je l’ai été́… Je jure sur l’honneur d’accomplir mes devoirs de pionnier de la République Socialiste de Roumanie. Camarade Nicolae Ceausescu, nous, enfants de Roumanie, vous remercions. Mais de quoi ? Maman dit que ce sont des questions à ne pas poser. Tu apprends et tu répètes. Maman est professeur. Le pionnier est l’avenir de la nation. Aujourd’hui pionniers, demain jeunes communistes. Après-demain héros. Papa serait-il héros ? Quand je lui demande, il ne me répond pas. Papa est ingénieur. Je serai éclaireur, tu seras éclaireur, il, elle… Camarade… Nous serons éclaireurs… Nicolae… Porte-flambeaux… Ceausescu… Les lettres glissent. »
– Extrait de « Complexul Romania », de Mihaela Michailov.