Procédé Zèbre en Guyane // Le travail commence

« Écoute Mr Albert Londres, j’ai la rage. Vous savez pourquoi ? Parce que ces gens-là, à l’extérieur, me traitent comme si j’étais un sauvage. Comme si je n’avais pas de cœur ! J’en ai marre. Et aussi parce que je suis et j’ai été abandonné par le gouvernement. Je suis très triste de savoir que l’être humain peut faire ça à d’autres. Je suis très déçu par l’humanité. »

Le ton est donné ! Lundi 6 novembre 2023, Procédé Zèbre a commencé la conduite d’ateliers au sein du Lycée Bertène Juminer de St Laurent du Maroni. Au programme du jour, trois heures d’écriture et trois heures de travail théâtral pour les vingt-six élèves de la spécialité théâtre de l’établissement.

Ensemble, tous réfléchissent à ce qu’auraient à dire des bagnards nouveaux, de nouvelle génération, enchaînés à d’autres fers que ceux qu’Albert Londres dénonçait il y a 100 ans.

Quels seraient les tatouages que eux, jeunes Saint-Laurentais, feraient poser sur leur peau si, comme les bagnards d’alors, l’encre était une évidence, une occupation, une contrainte peut-être, et sans doute un cri ?

Nous réfléchissons ensemble. Le tatouage a changé, sa vue, sa perception aussi. Ils voudraient peut-être des fleurs au poignet mais aussi le mot Majesté !

Nous réfléchissons à ce qu’est un bagne. Et nous écrivons. L’aventure Guyanaise du Zèbre est lancée.

 

« Le Bagne c’est ma ville.
Le Bagne c’est aussi, peut-être, le 6 novembre.

Le Bagne, c’est des briques cuivre empilées, scellées et qui dessinent sur le sol des trous dans les ombres.
Un 6 novembre, des hommes en uniforme sali, peut-être, les ont empilées ces briques cuivre.
Un 5 novembre, hier soir, les briques dessinent une photo à prendre.

Le Bagne, c’est sombre parce que ça continue et ça tisse de ses murs de briques cuivre des exclaves de nouvelles générations. Ils marchent tête baissée, suspendus inversés à leur filtre bleu.

Les hommes en uniforme sali aussi marchaient tête baissée. Ils souriaient édentés.
Le Bagne, c’est une dent qui s’accroche dans une gencive crade.
Le Bagne c’est la solitude des branlants. C’est long, c’est bien long.
C’est bien long le bagne.

Il voudrait renaître le mur de briques cuivre parce que les racines le poussent et que, doucement, il s’écroule et dessine dans les ombres des croix étendues.
S’écrouler doucement, c’est ça le Bagne.

Être étendu le temps que dure la fin, ouvrir des croix sous les pieds des hommes salis, un 6 novembre ou un 5 novembre, un siècle plus tard.

C’est ça le Bagne, et ça dure. C’est bien long, le Bagne. »