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ETAJUL 5 : Vive Roumanie !

Pendant trois jours, du 14 au 16 mars, Procédé Zèbre était à Cluj avec le groupe théâtre de l’université Agricole et Vétérinaire. 

Trois jours à travailler autour du texte de Mihaela Michailov « Le complexe Roumanie ».
Trois jours pour entendre les textes en roumains puis en français et adapter dans les deux langues les ressorts dramatiques de chaque séquence, ils seront proposés pendant le festival Water is Memory à Vichy . 
Trois jours de travail avec les jeunes acteurs pour dessiner les contours de l’espace des mots, de la mémoire et de la liberté de l’exprimer !


 
Cassandra , Les deux Raul , Adela, George, Denisa, les deux Maria , Bianca et Alexandra ont hâte !! Nous aussi !
 Merci à Cristina et Mihaela pour leur accompagnement ! 
 
LA GRAND-MERE : « J’ai mis un mot. Respecter le silence après 21 heures. Silence. Vous comprenez ? Le plus grand silence ! Il ne faut pas déranger nos voisins. Silence et propreté. Nous vivons dans un immeuble. L’immeuble est un collectif. Notre devoir est d’être des citoyens responsables dans notre immeuble. Hier, quelqu’un a arraché la fleur du hall. J’ai mis un mot : Celui qui a arraché la fleur est un homme méchant. Nous l’interrogerons à la prochaine assemblée générale du comité de l’immeuble ! Pourquoi avoir arraché la fleur ? Qu’est-ce qu’il t’a fait ce ficus ? Ton devoir est d’être un bon locataire. Bon et honnête. Bon envers l’immeuble. Honnête envers toi-même. Ton devoir est de respecter le silence. Un grand silence. Le plus grand silence. Dans l’immeuble il y a beaucoup d’enfants. Les enfants doivent dormir. »
– Extrait de « Complexul Romania » Mihaela Michailov .

Les Bus des Mémoires, attendu en Livradois-Forez !

Mardi 14 mars, l’atelier d’écriture de l’association Semer en Territoire a commencé à préparer la venue de notre équipe autour d’Ambert, du 27 au 31 mars. Déjà on y écrit sur les grèves de chapeletières, sur le Maquis d’Arlanc, sur les manifestations et les chorales féministes.
On y écrit des poèmes, des monologues. Peut-être seront-ils utilisés dans la création de Procédé Zèbre, le 1e décembre prochain.

Un printemps éclata,

Avec une fleur à sa botte.

Polisseuses, émouleuses, chapelières,

Se rassemblent et s’assoient sur les murets.

 

Des thiernois les entourent, ils les regardent.

Ils avaient toujours des propos très réactionnaires avec les femmes.

Et ça dure. Depuis des semaines. Des mois.

Une injustice dans les circonstances présentes.

 

Elles leur posent des questions

« Covi qu’ou sé ? »

Et voici que le miracle se produit

« Sem po ».

 

Un encouragement à la révolte.

Elles en firent des lames de Venise.

 

Mercredi 15 mars, Les Bus des Mémoires sont dans les pages ambertoises de la Montagne ! On y relate les nombreux entretiens qui sont déjà en cours sur le territoire, les multiples partenariats et le soutien du Centre Culturel Le Bief, du Clic Livradois-Forez, de la FCPE, du Collège et du lycée d’Ambert, etc…
L’article au complet et à retrouver sur le site de la Montagne : https://www.lamontagne.fr/ambert-63600/.
La résidence de Procédé Zèbre s’étendra avec de nombreux ateliers lancés dès le lundi 20 mars et avec une présence renforcée à partir du 27 mars prochain.

Deuxième réunion transnationale

Les samedi 4 et dimanche 5 mars, l’équipe du projet Miroir d’eau – Water Mirror s’est réunie en comité resserré à Vichy pour deux jours de travaux autour de l’évolution du projet.

Il nous faut du silence pour les plus engagés. Du silence, il est le défi des forts.

Au programme de cette rencontre, et au-delà des aspects organisationnels du projet, nous avions convenu d’échanger sur les enseignements tirés de la seconde phase du projet qui a couverts le premier bimestre 2023. Quelles certitudes avons-nous acquises dans le travail avec un groupe de public amateur ?

Si le groupe est grand, il faut penser des places centrales et périphériques, il faut penser des demi-espaces, des demi-groupes, une répartition des charges et du temps.

Nous sommes en particulier revenus sur la dernière semaine de travail et sur notre capacité à travailler avec un large groupe d’élèves non volontaires, dans le cadre d’un programme de coopération scolaire.

Il faut écouter l’énergie de chacun. Il faut aussi proposer des postes d’observateurs silencieux, de rédacteurs pourquoi pas ?, de documentaristes, de public avant l’heure du spectacle. Il faut penser des participations multiples !

Nous avons conclu deux jours de travaux par un atelier d’écriture donc voici quelques résultats.

Enfants choux, enfants oiseaux, enfants seaux, enfants livres, enfants libres… la géographie de l’espace, de l’exotisme dans le mouvement – stop and go. Google nappe les sentiments, l’émotion et donne le vertige des feux qui brûlent sur la map. Un troupeau en grappe verticale.
Remettre les mains dans la terre, danser en vol au-dessus des cendres. Sous les manteaux circulent des mots, des phrases, des joies et des peurs. Ils ont installé des loupes géantes pour que le soleil brûle nos pensées, mais les cigognes ont décidé d’emmener des seaux pour éteindre l’incendie.

Une semaine à faire passer des seaux d’eau

Après une semaine à faire passer des seaux d’eau, à cacher les livres interdits et à éteindre les feux qui naissaient au détour de tous les exercices proposés par Nusmir Muharemovic, Marina Rossi et Fabrice Dubusset, les élèves de cinquième ont partagé leur semaine en une création unique, présentée devant des parents d’élèves, les membres de la compagnie, les amis, et les soutiens de toujours.

La Montagne, journal quotidien était là pour couvrir l’événement.

Ainsi, une maman a dit « C’était formidable ! », une autre « Nous reviendrons ! ». Julia, élève du lycée ayant travaillé avec Marina Rossi lors d’un stage à Brescia en 2022 s’est exclamé « Moi aussi je veux retourner en cinquième pour continuer le travail avec Marina ! En plus j’aurais de meilleures notes ! ».

Pour conclure la semaine, les élèves et leurs parents avaient amené de quoi partager : bouteilles de boissons sucrées, gâteau marbré fait maison, tarte aux pommes faite maison, ou gâteau au yaourt… fait maison !

Valentine a dit « Le Gâteau, ce n’est pas moi qui l’ai fait, mais j’ai surveillé qu’on suive bien la recette. » Tous les membres de Studio Teatar, Lelastiko et Procédé Zèbre ont trouvé que la recette avait été parfaitement suivie, et se sont accordés pour que le Papa de Valentine, qui avait très bien suivi la recette, intègre l’équipe lors du prochain temps de travail en mai, en préparation de l’ouverture de Water is Memory – 8e édition.

De cette semaine, nous tirons des enseignements nombreux parmi lesquels l’importance du silence dans le travail de groupe, l’idée que l’énergie ne se commande pas et qu’il faut trouver une place pour ceux qui ne la concentrent pas sur le théâtre, qu’il est possible de travailler avec un grand, très grand même, groupe de jeunes élèves.

Merci à tous les amis de notre consortium pour le soutien et l’énergie, merci à l’équipe pédagogique du Collège St Joseph, Madame la Directrice, Carole, Catherine et Brigitte.

Toute l’équipe remercie enfin chaleureusement Christine et Stéphane pour leur dévouement, leur énergie, leur sauce salade, leurs pizzas formidables, leur curry façon thaï et leurs sourires. Merci, infiniment merci.

 

Crédit photos : Davide Bonnetti

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ? Que sont flammes et pages ? 

Mardi après-midi, dans une petite salle sous les arches, on déplace les tables pour que tout le monde puisse se voir. C’est un rectangle mobilier dans la salle. La petite clé et son porte-clé bleu pendent dans la serrure. On écrit autour du mot autodafé. Tout de suite une petite voix, Qu’est-ce que c’est un autodafé ?. On pense ensemble, on réfléchit. Qu’est-ce que c’est un autodafé ? Et un incendie ? Et un livre qui brûle ? Seul ou en tas ? Ça change quoi ?

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un animal sauvage.

C’est impossible.

C’est le soir, assez tard.

C’est une chemise sombre.

C’est la somme des couleurs désagréables.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Une personne sans haine.

Un objet qui nous chauffe.

Un objet sur lequel on peut lire une fleur.

Un objet qu’on offre quand on aime quelqu’un.

Un livre, ravagé.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un monde sublime.

C’est un McDo.

C’est une blague, ou un lave-linge.

C’est une personne moche.

C’est une personne invisible.

C’est une maison.

C’est une mère.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un acte de protestation.

C’est une chèvre à trois pattes.

C’est joli, surtout la nuit.

C’est un élève qui dit toujours non.

C’est être aussi serré que des stylos dans une trousse.

C’est beau.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Des mots, qui brûlent.

Des cendres, qui volent au vent.

Des morceaux de papier, où on peut imaginer la page complète.

La souffrance des couvertures, qui essayent de résister au feu et de protéger les pages.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un livre en moins et du feu en plus, dans la cheminée.

C’est la folie.

C’est une maison.

C’est une prison.

C’est le soleil. Il brûle.

C’est une fleur.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un animal câlin.

C’est flou et liquide.

C’est dur et bizarre.

C’est un papier blanc.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est de l’art !

Et qu’est-ce que c’est l’art ?

C’est une table.

 

Qu’est-ce que c’est l’art ?

C’est déposé dans un endroit enflammé, en train de se calciner.

Ça rend les gens agités.

C’est une chose qui porte les objets du quotidien.

C’est un ensemble d’objets qui ont le même principe technique qui répondent aux mêmes besoins.

C’est une chose qui permet de fermer les portes.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Ce sont des gens qui ont décidé de ce qui est écrit dans le livre.

C’est un ordre de le brûler.

C’est, par exemple, Alice au pays des merveilles en Russie.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est une personne qui ne t’aime pas mais qui ne peut pas te voir.

Ce sont des chiens.

C’est la laideur.

C’est Dubaï.

Ça ne sert à rien.

Ça te gâche la vie.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un ouvrage qui part en cendres.

C’est un objet qui sert à poser quelque chose dessus.

Ce sont plein de morceaux de papier.

C’est un animal mythique ayant deux cornes.

C’est un handicap.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Une sœur. Un fermier.

Un nuage. Un fou.

Un chat. Un voleur.

– écriture collective. Mardi 28 février, Cusset, Collège St Joseph.

Les livres bruleront-ils ? // Troisième atelier d’expérimentation pédagogique.

Du 27 février au 3 mars, l’équipe de Miroir d’eau – Water Mirror travaille avec des jeunes collège St Joseph de Cusset et leurs professeurs pour mettre en place une performance à Vichy.

Au premier jour, les trois équipes se réunissent pour consolider les acquis d’expérience de tout le travail achevé jusque-là. L’après-midi, tous se découvrent avec des exercices d’échauffement, de mise en commun, d’échange, de confiance.

On rit, on se demande si 45 personnes peuvent passer dans le rond central d’un terrain de basket, alors on essaie. C’est large. On pourrait être plus nombreux. On supporte la densité. Ce n’est pas si dur.

Toute cette semaine et le travail à venir en Bourbonnais est tourné vers le symbole des livres brûlés. Qui sont les auteurs interdits ? Où et quand ? Qu’évoque un livre qui brûle aux jeunesses européennes ? Est-ce qu’on a le souvenir des tas de livres brulés sous les chants de haine, quand on a treize ans ?

On parle, on se question et on cherche.

Premiers enseignements : Lewis Caroll et son Alice ont été interdits. Les Fleurs du mal de Baudelaire aussi. Sherlock Holmes, Le Seigneur des anneaux, Harry Potter, Anna Politkovskaïa. Stefan Zweig aussi, évidemment.

« J’ai dû être le témoin impuissant et sans défense de l’inimaginable régression de l’humanité à un état de barbarie qu’on croyait oublié depuis longtemps. Aujourd’hui encore, nous sommes de nouveau à un tournant, une conclusion et un nouveau début. Mais si ce témoignage permet de sauver des décombres ne fût-ce qu’une parcelle de vérité, et de la transmettre ainsi à la génération qui nous suit, nous n’aurons pas œuvré en pure perte. »  Stefan Zweig – Le Monde d’hier, souvenirs d’un Européen.

Ils nous rassemblent. Sans doute, ils nous ressemblent aussi. Un peu.

Bosnie – Février 2023 // Témoignages

Du 13 au 17 février 2023, des jeunes bosniens ont réfléchi à une question simple : « To stay, or to go ? », Partir ou rester ?

Ils ont joué devant leurs familles, les amis de la compagnie Studio Teatar et l’équipe pédagogique du Katolički školski centar Sv. Pavao de Zenica. Voici quelques témoignages des participants.

For me, 5 beautiful days. I enjoyed every moment and I liked all the exercises we did. It was nice and fun and I’m looking forward to work with you again. You are great and thanks to all. See you soon.

Za mene, 5 predivnih dana. Uživala sam u svakom trenutku i svidjele su mi se sve vježbe koje smo radili. Bilo je lijepo i zabavno i radujem se ponovnom radu i druženju sa vama. Divni ste i hvala vam svima. Vidimo se uskoro.

I learned a lot of new things. How to express emotions, for example. I thought I wouldn’t like it, but I did. Every day was interesting. I would like to continue with this project and I hope I will use the things I have learned.

Naučila sam dosta novih stvari. Naprimjer, kako izrazoti emocije. Mislila sam da mi se sve ovo neće svdijeti ali jeste. Svaki dan je bio zanimljiv. Voljela bih da nastavimo sa ovim projektom i nadam se da ću uspjeti primijeniti stvari koje sam naučila.

 

 

– new, – curious, – interesting, – calming, – fun, – fluid, – connection, – timing, – awareness, – space, – territory, – push, – pull, – trust, – advice, – improvise, – sounds, – vocals, – home, – improvement, – experience, – limits, – concentration.

These past few days, I felt more connected with my body, knowing my limits and pushing them.

 

 

Day 1

Lots of new faces.

Some looked nice, some ferocious.

I couldn’t stay for long but

I was excited for the next day to come.

 

Day 2

This time, I was late.

I couldn’t hide my shame.

Yet, when we started to

Play, pretend, everything

Turned out okay.

 

Day 3

Now I know everyone.

Name, their voices aren’t the same

But when everyone started to

Sing, I think we made an

Amazing melody.

 

Day 4

Today we push and pull

Our hearts and moves, combined.

Dancing isn’t really my

Forte, still I happily learned

Faster than you can say “One L b’”.

 

Day 5

All we learned become

An act, one where we could

All enact, everything we learned

So far – thinking of it makes me laugh.

 

 

  1. Day – Funny day, everything was really good except one thing. I did not like ninja the same because I lost against Nusmir in Final round.
  2. Day – A lot of good exercise and a new knowledge. Zlatan is a master of art.
  3. Day – Some really good exercise but Christophe’s rhythm exercise was really hard for me. But I like Christophe, so it doesn’t really matter. One of the most famous songs in my country.
  4. Day – Hard! (For me) but the passion from Fred, Fra and Marina impress me. I really love it. I know I am a bad dancer but I was giving my best!
  5. Day – Proud !

I am really happy because I spent my time with young people. People who are ready to make changes, people who are ready to talk about problems. If we tell our story correctly to just one person, we will be able to say we did a good job. Let the journey continue.

 

 

These four days, while I was here, were my escape from reality. All the problems, worries, responsibilities, have gone away while hanging out and working with all different and special friends. I’m so glad that I’ve decided to join. Maybe today is just a fifth day of the workshop, but after a week or two, while I’m sitting in class or studying at home, etc… I’ll remember all exercises we did together. I like trust games, Zlaya’s relaxing imagination, the dance choreography, poem, song we sang together, true and the dancer., and them I will probably smile and use them sometimes later in life, while working, hanging out with other groups.

Today, I am also really emotional. We showed people that in short time we can have a great performance with such a deep message.

None of us knows where are we going to be in a few months, or years, but I am sure I will remember all of you and you will all have a special place in my memory. Love.

 

 

Une nation c’est incertain.

Je me demande à partir de quand elle disparaît et à partir de quand elle vaut la peine qu’on s’inquiète pour elle.

Est-ce que ce ne sont pas les gens qui priment ? et leur trajectoire ? Serait-elle individuelle ?

 

Nous sommes sortis de Bosnie, lentement.

Tout doucement. Ne nous attendaient que des carreaux de carrelage fatigués.

Comme une condamnation à les nettoyer.

Et si c’était ça qui attendait ceux qui fuient ? Ceux qui partent sans regarder le foyer de leurs pères ?

Du carrelage froid ?

Ou peut-être notre temps ?

Ou peut-être est-ce la course effrénée de ceux qui n’y croient plus ?

Et s’il fallait croire en quelque chose pour s’arrêter quelque part ?

 

Nous avons appris que

Toute question individuelle est aussi collective.

L’intime et le politique s’emmêlent toujours.

Je veux découvrir et voir et apprendre et

Danser dans toutes les langues.

Autant que je veux que ma terre reste mienne quand j’y reviens.

 

Pourtant les hommes ne sont-ils pas dangereux pour mes forêts bien aimées ?

Les hommes ne sont-ils pas dangereux pour les arbres ?

Ne devrions-nous pas partir ?

Ne devrions-nous pas, tous, partir, pour sauver

Ce qui a fait de nous ce que nous sommes ?

Ce qui nous fait tenir ne sera jamais

Autre chose que les histoires qu’on raconte aux enfants le soir.

Il faudra bien continuer à les écrire,

A les raconter et à les danser.

C’est pour ça que nous sommes revenus.

 

C’est pour ça que nous avons raison nous inquiéter.

Si tous partent,

Si tous les grands s’en vont,

Qui nourrira les rêves ?

 

A nation is uncertain.

I wonder when it disappears and when it is worth worrying about.

Isn’t it the people who come first? And their trajectory? Would it be individual?

 

We came out of Bosnia, slowly.

Very slowly. Only tired tiles were waiting for us.

Like a condemnation to clean them.

What if this is what awaits those who flee? Those who leave without looking at their fathers’ home?

Cold tiles?

Or maybe our time?

Or maybe it’s the frantic race of those who no longer believe?

What if you have to believe in something to stop somewhere?

 

We have learned that every individual question is also collective.

The intimate and the political are always intertwined.

I want to discover and see and learn and dance in all languages.

As much as I want my land to remain mine when I return to it.

 

Yet aren’t men dangerous to my beloved forests?

Aren’t men dangerous for the trees?

Shouldn’t we leave?

Shouldn’t we all leave, to save what has made us what we are?

What makes us what we are will never be anything more than the stories we tell our children at night.

We must continue to write them,

To tell them and to dance them.

That’s why we came back.

 

That’s why we have reason to worry.

If all leave,

If all the great ones leave,

Who will feed the dreams?

Crédit photo : Davide Bonnetti.

Les reflets peuvent apparaître/Reflections can appear

Les reflets ne sont pas difficiles à trouver pour ceux qui les cherchent. Pourquoi met-on des chaussures épaisses quand on vient dans une école chauffée ?

Crédit photo : Wikipédia, « Vue de Zenica depuis la rivière »

Il y a une fille discrète qui a des lunettes rondes et des cheveux roux. Elle est facile à reconnaître, elle remonte ses lunettes de son index droit et cherche à ne pas être vue. Son sourire annonce qu’il n’est pas là. Son sourire annonce qu’elle non plus. D’ailleurs, son pull trop grand dit la même chose. Elle disparaît dans le vide qu’il ouvre autour de ses hanches. Elle rit étonnée d’être là, au milieu de lui, au milieu de son pull mauve.

Elle porte sous elle des godillots. C’est bien plus pratique pour fuir les godillots. Les tennis fins ou de course sont les chaussures de ceux qui ne réfléchissent pas. Les tennis sont les chaussures de ceux qui fuient par instinct ou par coup de chance et plus surement encore de ceux qui ne fuient pas.

Il faut ne pas réfléchir pour pense qu’on fuit en tennis. Les godillots passent les collines, passent les chemins et les ruisseaux fins.

Je me souviens des images que nous avons vues au troisième étage d’un immeuble discret de Sarajevo. Peut-être était-ce au quatrième ou au deuxième. Je me souviens qu’il y avait sur les boutons de l’ascenseur indiqués des bureaux de la Délégation de l’Union Européenne et un dentiste. Le Dentiste occupait les deux premiers étages. Peut-être avait-il un duplex à Sarajevo.

Il n’y avait pas grand monde pour pense à un duplex à Sarajevo sur les images que nous y avions vues. Il y avait des hommes sales qui poussaient leurs pas dans de godillots, comme étonnés d’être là. Aucun d’entre eux n’avait de tennis, et pourtant ils avaient fui par chance.

Peut-être que c’est ce qu’elle prépare, la fuite par coup de chance. On ne sait jamais ce qui arrive aux incertains.

Crédit photo : Gallery 110795

Reflections are not hard to find for those looking for them. Why do you put on thick shoes when you come to a warm school?

There is a discreet girl with round glasses and red hair. She is easy to recognize, she pulls up her glasses with her right index finger and tries not to be seen. Her smile announces that it is not there. Her smile announces that she is not either. Moreover, her too big sweater says the same thing. She disappears into the void that it opens around her hips. She laughs, astonished to be there, in the middle of it, in the middle of her mauve sweater.

She wears boots. It’s much more practical to run away. Thin or running sneakers are the shoes of those who do not think. Tennis shoes are the choice of those who flee by instinct or luck, and even more so of those who do not flee.

One must not think to consider that one escapes in tennis shoes. The boots pass the hills, pass the paths and the fine streams.

I remember the images we saw on the third floor of a discreet building in Sarajevo. Maybe it was on the fourth or second floor. I remember that on the buttons of the elevator were indicated offices of the Delegation of the European Union and a dentist. The Dentist occupied the first two floors. Maybe he had a duplex in Sarajevo.

Crédit photo : Gallery 110795

There were not many people to think of a duplex in Sarajevo in the pictures we saw there. There were dirty men pushing their steps in boots, as if astonished to be there. None of them had tennis shoes, yet they had escaped by chance.

Maybe that’s what she’s up to, escape by luck. You never know what happens to the uncertain ones.

Dobre Iutro, bon matin !, On continue à Zenica.

Au premier petit-déjeuner, dans le restaurant de l’hôtel Fontana de Zenica, les équipes de Procédé Zèbre et de Lelastiko essaient de se souvenir comment on salue en bosnien.

–        Dober dan on dit, non ?

–        Non non… Ce n’était pas ça !

–        Ma come dire?

–        « Dobre iutro », credo. Aspetta, chiediamo al barista!

–        Il a dit quoi Nusmir hier quand on l’a vu ? Dobre quelque chose ?

–        Dobre quelque chose dan ?

–        Non, c’est pas ça.

–      Dobre c’est pas ça dan ?

–        Il a dit quoi le monsieur qui sert les cafés ?

–        Dobre iutro !

Les travaux reprennent. Nos trois équipes travaillent au sein du Katolički školski centar Sv. Pavao de Zenica avec une quinzaine de jeunes qui ont entre quinze et vingt-deux ans.

Ce travail commence lundi 13 février et se perpétue toute la semaine. Vendredi 17, les jeunes et les artistes de Procédé Zèbre, de Lelastiko et de Studio Teatar proposeront à Zenica une performance. De plus, jeudi 16, les jeunes de Zavidovici avec lesquels nous travaillons dans le cadre du projet Erasmus WiM Laboratories Iuvenis II travailleront aux côtés d’une équipe mixte composée de Nusmir (Studio Teatar), d’Arnaldo (Lelastiko) et de Marion et Etienne (Procédé Zèbre).

Les laboratoires des jeunesses européennes se penchent sur les Miroirs d’eau. Quels reflets y verront-ils ? Quelle image en tirerons-nous ?

Sans doute une image hésitante, peut-être floue à cause d’un galet qui en tombant fait des ronds dans l’eau, à la croisée du sérieux et du léger. Nous danserons d’avoir goûté les saucisses de Francfort lorsque nous hantions son hub, nous citerons Anglade et Di Ruscio que nous lisons pour préparer les prochains projets, peut-être Annie Ernaux qui habite aussi la table du petit déjeuner. Peut-être y verrons-nous ressurgir les roses de Sarajevo, les cygnes noirs de Zavidovici, les guerres qui nous habitent et la paix que nous voulons défendre. Peut-être ou peut-être pas.

Peut-être des visages éclairés par des téléphones indécollables, ou alors les amphithéâtres des lycées qui savent encore être des lieux de danse, de joie et de communion. A voir ! On va travailler pour ça mais en attendant, Dobre Iutro !

Complexe Roumanie

Du 31 janvier au 3 février la compagnie Procédé Zèbre était à l’USAMV (Université Agricole et de Médicine Vétérinaire) de Cluj avec 10 étudiants du groupe théâtre , un groupe motivé et impatient de commencer le travail autour du texte de Mihaela Michailov « Complexul Romania », une pièce de théâtre contemporaine, axée sur la période communiste du dictateur Ceausescu, vue à travers le regard d’un enfant : Georgescu . L’autrice a ressenti la nécessité d’un texte sur son parcours, sa famille, le regard des autres… Sans complexe elle aborde la Securitate, la révolution nationale et aussi le devenir économique du pays où de nombreux roumains ont été dans l’obligation de trouver du travail à l’étranger…

Avec joie et plaisir de jouer en roumain et aussi en français, le groupe universitaire a pendant trois jours exploré les personnages, les motivations de chaque séquence et insufflé leur dynamique de jeu dans cette performance qu’ils vont présenter en Mai à Vichy pour le festival Water is Memory et aussi en Juillet à Cluj pour la rencontre transnationale des partenaires des différents pays du programme « Laboratories Iuvenis II ».

« Dans la prison Doftana ils m’ont mis un foulard et m’ont dit d’être fier. Et je l’ai été́… Je jure sur l’honneur d’accomplir mes devoirs de pionnier de la République Socialiste de Roumanie. Camarade Nicolae Ceausescu, nous, enfants de Roumanie, vous remercions. Mais de quoi ? Maman dit que ce sont des questions à ne pas poser. Tu apprends et tu répètes. Maman est professeur. Le pionnier est l’avenir de la nation. Aujourd’hui pionniers, demain jeunes communistes. Après-demain héros. Papa serait-il héros ? Quand je lui demande, il ne me répond pas. Papa est ingénieur. Je serai éclaireur, tu seras éclaireur, il, elle… Camarade… Nous serons éclaireurs… Nicolae… Porte-flambeaux… Ceausescu… Les lettres glissent. »
– Extrait de « Complexul Romania », de Mihaela Michailov.