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Résidence au Theater Lindenhof

L’équipe de Procédé Zèbre était du 25 au 28 Février à Melchingen au Theater Lindenhof pour animer une session de travail en vue de préparer un prochain projet avec l’Allemagne, l’Arménie et l’Ukraine. Un travail autour du travail de la dynamique de groupe, d’une approche chorégraphique à la lecture de textes…

Une semaine forte donc avec évidemment une pensée pour nos amis ukrainiens du Kulturpalast Krementchouk .
Nous saluons fort au passage notre ami Serhii … qui nous a envoyé une lettre émouvante depuis l’Ukraine, on envoie des baisers pour toute la famille Sytnik !

Mais ils étaient avec nous dans le jeu et la pensée à travers les textes de Serhiy Zjadan (poète et romancier ukrainien) qui d’une réalité tragique pour le peuple ukrainien mets les mots qui font « sens » dans notre volonté de savoir pourquoi on fait du théâtre , dans notre conviction que la culture rapproche davantage les peuples plutôt que de les faire disparaître…

 

… Disons-le comme si nous nous voyions pour la dernière fois,  comme si demain
nous n’avions pas à détourner le regard et à regretter notre propre franchise.
Disons ce que nous pensons de notre sécurité.
De notre désir de ne pas devoir enjamber des cadavres dans notre cage d’escalier.
De nos frontières qui cèdent comme des chemises dans un combat de rue.
De notre droit à expliquer le monde avec des mots que nous avons entendus dans les nouvelles du matin.
La culture, c’est la capacité de parler de la vie en présence des morts.
La culture, c’est l’effort pour communiquer avec ceux qui allument un feu sous nos pieds.
La culture, c’est notre aptitude à osciller entre l’expérience triste et le pressentiment funeste.

Serhij Zjadan – Extrait de « Chant d’exil et de non retour »

 

4 journées intenses donc avec les interventions des actrices et acteurs du Théâtre Lindenhof pour réchauffer le corps et l’esprit,
puis l’équipe Procédé Zèbre a proposé un travail autour du « Choeur Moderne »* et des possibilités de
trouver les interstices de la créativité entre le corps, la musique et les textes…

D’une lutte amoureuse au travail chorégraphié autour du texte poignant de Oksana Savchenko (dramaturge et écrivaine ukrainienne)
« Ne le dis à personne »
.

La part belle a été donnée au plaisir de partager ensemble nos pratiques artistiques et su mettre en avant cette évidence que le langage scénique est un outil de communication fort qui n’a pas toujours besoin d’une traduction.

L’émotion et le langage du corps nous parle, s’adresse à nous d’une voix juste, nous raconte la mort, la vie, et le
carrousel tourne encore et encore, fascinant, étrange, inquiétant comme ce monde autour de nous.

Grand merci à Hannah, Linda, Carola, Rino, Franz, Stefan, Berti, Luca du Theater Lindenhof pour leur participation joyeuse et enthousiaste !
Et à Frédérique Mille (chorégraphe), Christophe Nurit (musicien) , Nina Glaab (chargée de production) et Pierre Valente (régisseur) du Procédé Zèbre.
Merci encore à l’équipe technique et administrative du Theater Lindenhof pour leur accueil.

Fabrice Dubusset – Directeur artistique Procédé Zèbre

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ESPRIT NOMADE – Témoignage de la première semaine de résidence

Déjà une semaine que les artistes du théâtre d’Arvaikheer sont parmi nous

Et pas besoin de parler la même langue quand on parle le même langage !

Malgré des cultures éloignées l’une de l’autre, la création se poursuit très simplement entre français et mongols en laissant dialoguer les corps, voix et instruments autour de thèmes et questionnements communs très forts.

Petit à petit se dégagent des inquiétudes partagées autour des bouleversements climatiques, de la pollution ou de la gestion de l’eau… qui prennent forme dans un univers animal et animiste, au travers de légendes et images chères à la tradition mongole.

Une semaine déjà riche en rencontres, entre les artistes mongols et français, mais aussi avec les élèves du collège des Célestins et Saint-Joseph qui ont pu rencontrer les artistes et même participer au processus de création en se transformant en oiseaux le temps d’une journée !

L’occasion pour les artistes mongols de s’approprier une autre manière de créer un spectacle, par l’improvisation ! Et d’échanger quelques mots dans nos langues respectives tout de même 😉

 

Photos : Jade Guiard et Pierre Valente

L’ESPRIT NOMADE à Vichy – « Steppes by Steppes » – étape 3 –

En octobre 2024, la compagnie de théâtre Procédé Zèbre aura le plaisir d’accueillir les artistes du théâtre d’Arvayheer de Mongolie pour continuer le partenariat autour de l’apprentissage du français par le théâtre et la cuisine.
Une résidence artistique réunissant des artistes des deux compagnies, ainsi que des performances ouvertes au public de l’Allier, auront lieu.

Début du partenariat
Dans le cadre de la coopération entre le Département de l’Allier et la province d’Övörkhangai en Mongolie*, Fabrice Dubusset, directeur artistique de Procédé Zèbre, a eu le plaisir d’accompagner le service de coopération du Département de l’Allier, représenté par Christophe de Contenson et Véronique Hérupé, lors d’une mission en Mongolie en 2023. Pendant trois semaines, Fabrice a exploré les pistes de projets d’échanges en faveur de la jeunesse mongole et française. À l’été 2024, les rencontres et l’exploration se sont poursuivies avec l’objectif de créer un partenariat autour de l’apprentissage du français par le théâtre et la cuisine. Une première semaine de travail artistique autour de la musique, la danse, le théâtre et la francophonie, a eu lieu entre les artistes du théâtre d’Arvaikheer et Procédé Zèbre avec les musiciens Cyril Meysson et Aurélie Raidron, notre régisseur général Pierre Valente et Fabrice Dubusset. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du festival de la Francophonie, « Refaire le monde », en lien avec le sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts en octobre.

Rencontre à Vichy
Sous le signe d’une « yourte créative », les artistes des deux compagnies, française et mongole, se rencontreront lors d’une résidence artistique à Vichy pour préparer et co-créer un futur spectacle intitulé « L’Esprit Nomade ». Une création qui va à nouveau inviter au partage des cultures. Une création en langue mongole et française avec des musiciens, des danseurs , des actrices et acteurs pour échanger sur les pratiques artistiques professionnelles des deux pays et entraîner les amateurs dans la ronde !

Un travail d’écriture sur des sujets communs à nos pays mais surtout un message pour la planète ! Les oiseaux sont toujours là, mais pour combien de temps ?
L’horizon donc, d’une nouvelle aventure humaine mais aussi la mémoire des racines profondes de ce qui fonde un territoire autour des légendes, des croyances, et du présent à ré- inventer… Hâte de présenter le travail en Avril 2025 en Mongolie à l’occasion des 25 ans de la coopération entre le Département de l’Allier et la la province d’Övörkhangai, et en Mai 2025 pour un festival Water is Memory qui s’annonce déjà riche pour sa 10ème édition.

La venu des artistes mongols est l’occasion exceptionnelle de découvrir la culture mongole et la naissance d’une future création à travers des temps d’échanges et de performances théâtrales, chorégraphiques et musicales, restituant le travail en cours. Alors explorons ensemble l’esprit nomade !


Le programme dans l'Allier en octobre, ouvert à tout public :

* Mercredi, 9 octobre à 18H00 : Performance dans le cadre de l’évènement NeujPro 
au Palais des Congrès à Vichy (inscription obligatoire à l’évènement : https://neujpro.fr)

* Vendredi, 11 octobre à 19H30 : Performance et temps d’échange à Noyant-d'Allier, 
Salle des fêtes

* Samedi 12 octobre à 15H00 : Rencontre au Musée des Arts d'Afrique et d'Asie à Vichy

* Dimanche, 13 octobre à 16H00 : Performance et temps d’échange à Gannat, 
Espace Croix des Rameaux, en partenariat avec l’association Cultures du Monde

 

Ce projet est porté par le Conseil Départemental de l’Allier dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « résonances internationales de la francophonie », soutenu par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il s’inscrit dans le cadre du 19ème sommet de la Francophonie qui aura lieu à Villers-Cotterêts en France les 4 et 5 octobre et du festival « Refaire le monde ».

 

Et la suite ?
La mission s’enrichit et la prochaine création va s’appuyer sur d’autres partenaires , plusieurs savoir-faire :
Tout d’abord un jeune artiste peintre Tugsbuyn Ganzorig va travailler avec nous pour créer une peinture de scène.
La coopération avec le collège polytechnique d’Arvaikheer mettra les jeunes en regard d’un travail scénographique.

 

* Il y a 24 ans que la coopération entre le Département de l’Allier et la province d’Övörkhangai en Mongolie est née ! 
Depuis 2000 le Département de l'Allier s’est engagé dans une coopération décentralisée avec la Province de l’Övörkhangaï en Mongolie (province centrale) pour le projet global d’appui au développement de la Province. Le socle initial de coopération repose sur les actions de santé mère-enfant-handicap et génère de nombreux échanges d’expériences de professionnels de santé franco-mongols (sages-femmes, gynécologues, infirmières, assistantes sociales…). Il s’est ensuite élargi à d’autres axes (développement durable-agro-tourisme….) en s’inscrivant dans la continuité de l’expérience acquise avec comme priorité la diversification des échanges de compétences dans le domaine de l’appui au développement et valorisation touristique, culturelle et agricole de la province (Source : https://www.allier.fr/816-la-mongolie.htm).

 

 

Procédé Zèbre en Arménie – Francophonie en chœur !

Du 24 au 28 Septembre, Procédé Zèbre revient à nouveau en Arménie à l’invitation de la Cie Saté-âtre et France Formation international à Erevan pour proposer un stage sur l’apprentissage du français par le théâtre, l’écriture et la chanson à destination des professeures de français en Arménie.

 

Portrait mural de Sos Sargsyan (dramaturge et acteur arménien)

Avec joie, plaisir et concentration, les enseignantes venues de différentes villes d’Arménie ont joué le jeu !

Delphine Burnod et Fabrice Dubusset ont mis en mouvement 3 jours de découvertes en pratiquant le travail d’acteur, les improvisations écrites, l’écriture d’une chanson… Une fois de plus, l’énergie positive du groupe galvanise les corps qui prennent la parole, plaisir du partage, partage de la langue qui se met alors à chanter !

L’imagination n’a pas de forme et déclenche le désir de poursuivre ce travail en classe avec leurs élèves.
C’est au tour maintenant de la mise en pratique pour les jeunes élèves :
Une professeure  accompagnée par Procédé Zèbre vont animer un atelier à Sevan et Gavar.

La transmission continue et les perspectives aussi dans la joie de se retrouver !

 

Quand le spectacle a commencé, j'ai éteint mon portable pour que rien ne me dérange, 
je me suis concentrée sur les jeux des acteurs et j'étais secouée dans leur monde 
mais tout de suite j'ai vu une étoile brillante qui tombait du ciel
et à ce moment-là j'ai oublié le spectacle et j'ai pensé à un rêve. 
C'était l'invention d'un meilleur monde où il y aurait plus de lapins et moins de loups. 
Le monde où tu pourrais manger des gâteaux à la crème sans t'inquiéter de grossir, ah ces gâteaux je les adore. 
J'en mangerais tous les jours, à tout moment, mais le problème c'est que ça fait mal à mes genoux, 
c'est bizarre, car ça devrait faire mal à l'estomac mais joyeusement, mon estomac n'est jamais contre ces gâteaux à la crème, 
j'aime mon estomac qui ne me laisse pas tomber, mais mes genoux, il faut y penser.
Astghik -

Travail d'écriture -Erevan – Septembre 2024

 

 

Photos : Impressions d’Erevan et du stage avec des professeures de français, Fabrice Dubusset

PROCÉDÉ ZÈBRE EN MONGOLIE : « Steppes by Steppes » – étape 2 –

En août/septembre 2023, Fabrice Dubusset, directeur artistique de Procédé Zèbre, s’est lancé dans une exploration artistique en Mongolie, accompagné par le service de coopération du Département de l’Allier. L’objectif est d’élargir la coopération, établie il y a 23 ans entre le Département de l’Allier et la province d’Övörkhangai, en développant un échange artistique entre les deux pays, avec un focus sur la jeunesse, la francophonie et le travail de mémoire.

Du 27 juin au 2 juillet – Procédé Zèbre continue son travail de coopération à l’international, Cyril Meysson, Aurélie Raidron, Pierre Valente et Fabrice Dubusset ont menés avec les artistes du théâtre d’Arvaikheer, une première semaine de travail artistique autour de la musique, de la danse, du théâtre et de la francophonie. Une rencontre qui s’inscrit dans le cadre du festival de la Francophonie : « Refaire le monde » en regard du sommet de la Francophonie à Villers Cotterêts en octobre.

Refaire le monde… oui mais avec quoi ? La Poésie ? Avec le Théâtre, la Danse ?
La culture des mondes, les langues vivantes … Voilà un programme que l’équipe de Procédé Zèbre se donne en gage de toujours parcourir et les possibilités de refaire encore et encore un autre monde connecté non pas avec les réseaux sociaux mais bien avec de réels échanges.
Une semaine donc riche avec la formidable énergie de traducteur de Odkhro qui a su participer aux exercices, les traduire au groupe, comprendre les termes du travail spécifique théâtral, su transmettre la philosophie du projet aux danseurs, musiciens et actrices du théâtre d’Arvaikheer !

 

Refaire le monde ! :
Le monde n'est pas pas pour une seule personne !
Je vois le ciel ! Je vois la rivière ! Je vois des gens ! Je vois des étoiles ! 
Je vois mon bébé ! Je vois le soleil !  Je vois beaucoup de gens !
Nous devons donner comme on prend à la terre !

Tout le monde rêve d'être heureux.
La terre n'est pas que pour les humains
Le voyage de mille pas commence par un seul.
La réalité du monde est plus belle que devant un écran.
Il existe un soleil et une terre , il faut protéger la nature sauvage .
Au lieu de chercher la faute de l'autre, maîtrise toi et regarde à l'intérieur de toi !


Paroles des artistes du théâtre d'Arvaikheer !

 

La mission s’enrichit et la prochaine création va s’appuyer avec d’autres partenaires, plusieurs savoir-faire :
Tout d’abord un jeune artiste peintre Tugsbuyn Ganzorig va travailler avec nous pour créer une peinture de scène.
La coopération avec le collège polytechnique d’Arvaikheer mettra les jeunes en regard d’un travail scénographique .
Une création qui va à nouveau inviter au partage des cultures. Une création en langue mongole et française avec des musiciens, des danseurs, des actrices et acteurs pour échanger sur les pratiques artistiques professionnelles des deux pays et entraîner les amateurs dans la ronde !
Un travail d’écriture sur des sujets communs à nos pays mais surtout un message pour la planète ! Les oiseaux sont toujours là, mais pour combien de temps ?

L’horizon donc, d’une nouvelle aventure humaine mais aussi la mémoire des racines profondes de ce qui fonde un territoire autour des légendes, des croyances, et du présent à ré- inventer… Hâte de présenter le travail en Avril 2025 en Mongolie et en Mai 2025 pour un festival Water is Memory qui s’annonce déjà riche pour sa 10ème édition.

Photos : Pierre Valente

 

Entre ABUJA et LAGOS – Procédé Zèbre A Corps et à Cœur au Nigéria

Avec 2 performances remarquées, l’équipe de Procédé Zèbre (Fabrice Dubusset, Etienne Russias et Cyril Meysson) a initié des désirs de théâtre, des envies d’écriture, des suites possibles dans les classes de français au Nigéria. Professeurs et étudiants ont tour à tour pratiqué l’apprentissage du français par le théâtre à l’Institut Français d’Abuja puis à l’Université des Arts de Lagos. 2 performances donc autour de leur vision du JAPA !

Merci aux participants pour votre énergie stimulante ! Merci aux partenaires pour votre accueil chaleureux !

Au Nigeria, le terme « japa » signifie « courir » ou « fuir » en yoruba. Depuis quelques années, il est à la mode car un nombre croissant de Nigérians, souvent jeunes et diplômés, cherchent à partir s’installer à l’étranger. Le seul moyen, selon eux, d’échapper au chômage, à l’inflation et aux bas salaires dans le pays. Mais face à cette « fuite des cerveaux », certains, qui ont déjà tenté l’aventure, mettent en garde : l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs.

Les problèmes du Nigeria :
Le Nigeria est l’un des pays les plus dynamiques du continent africain grâce à sa jeunesse qui excelle dans les nouvelles technologies et les industries créatives. L’économie et la population du Nigeria sont les plus importantes d’Afrique et le pays a bénéficié d’une manne pétrolière et gazière depuis un demi-siècle. Malgré ces avantages, les infrastructures délabrées, les inégalités et la pauvreté constituent un véritable casse-tête. Selon la Banque mondiale, plus de 80 millions des 210 millions d’habitants du pays vivent sous le seuil de pauvreté. Entre 2010 et 2020, le taux de chômage du pays a été multiplié par cinq pour atteindre plus de 30%. En juillet, l’inflation a atteint près de 20%. La grave crise économique, la corruption et l’insécurité poussent nombre d’entre eux à vouloir quitter leur pays dans l’espoir de trouver un avenir meilleur en Europe ou en Amérique du Nord. Voici un aperçu du phénomène du « japa ».

 

Témoignages des professurs :

L’atelier de théâtre animé par Fabrice et Etienne était une véritable révélation
pour intégrer
le théâtre dans la méthodologie de classe.
Les techniques présentées rendent
l’apprentissage plus dynamique et interactif,
engageant les élèves de manière ludique.
L’accent est mis sur l’expression orale et corporelle, et favorise une meilleure compréhension
et assimilation des contenus. Les activités théâtrales permettent également de développer
la confiance en soi et les compétences sociales des apprenants.
En somme, cet atelier offre des outils précieux pour transformer la salle de classe
en un
espace vivant et stimulant. Voilà en résumé mon avis de la journée d’hier à Unilag.

Jeremeeh Kousse. 3 juin 2024.

 

De l’importance du théâtre dans l’enseignement de la langue française.
Le 4 juin était un autre jour pour acquérir plus de compétences, d’outils pour ma profession.
En tant qu’enseignante et formatrice, l’atelier m’a renforcée, m’a donné des techniques
qui peuvent favoriser la participation en classe de FLE.
Aussi, j’ai appris la manière d’animer une classe en employant des jeux et
des activités
sportives pour tirer l’intérêt des apprenants vers l’apprentissage de la langue française.
Finalement, grâce à cet atelier, il y aura une différence définitive et positive dans mon style
d’animation en cours pour les apprenants, aussi bien que les professeurs de langue française.

Mme Djumoke, dite Djum-Djum, 4 juin 2024.

Photos : Fabrice Dubusset

 

Albert Londres à l’Université, et boucle la boucle !

Jeudi 16 novembre, l’équipe de Procédé Zèbre se produit à l’Université de Guyane en compagnie d’une vingtaine d’étudiants de toutes les facultés, et de tous les niveaux. On entend parler de jugements et d’appels et de pourvois en cassation, autant que de traités d’économie et de sociologie guyanaise dans les équipes qui travaillent avec nous. Nous nous sentons grandis de l’échange et déjà retrouvons l’envie d’aller écouter les cours donnés dans les salles voisines.

Nous empilons les tables pour recréer un monde. Elles deviennent des cellules multiples sur les murs universitaires. Déjà on imagine les têtes des bagnards qui apparaissent en leur vide, recréant dans nos imaginaires l’horreur des têtes survenues que décrit Londres.

« On n’ouvrit pas la porte, mais le guichet. Une tête apparut comme dans une lunette de guillotine.

– Oui, oui, dit Dieudonné, je suis surpris, je n’avais pas entendu. Je voudrais vous parler. Oui, oui, pas pour moi, mais en général.

Il était forcé de se courber beaucoup. Sa voix était oppressée. Et c’est affreux de ne parler rien qu’à une tête. Je priai d’ouvrir.
On ouvrit. »  – Albert Londres,
Au bagne.

 

Nous avons travaillé avec le groupe d’étudiants sur les Îles du Salut, deux fois trois heures et avons repris le travail trois heures de plus pour explorer ensemble Chez les fous et les passages traitant de la folie d’Au bagne. L’Université a un regard particulier quant à la conjugaison des mots « citoyenneté » et « handicap ». Elle s’attache à ce que le plus d’expériences possibles dans ses murs soient un objet de réflexion. Avec les étudiants, nous réfléchissons, donc, au chemin parcouru depuis que l’Île des lépreux a arrêté d’être un cloaque, un asile, pour devenir la destination des balades en pirogue sur le Maroni.

Le jour de la restitution et du spectacle, ils sont plus nombreux encore à se réunir et à vouloir profiter de notre présence. Ainsi Nédeline est Melle Suzanne, patiente dont la folie se traduit par un amour absolu de son médecin, Lamare, Sterlin et Amos racontent les fous du Bagne, Ruth-Gina et Jeanne nous proposent le cri d’Albert Londres pour la mise en place de véritables processus de soin en psychiatrie.

« Nous vivons sous le préjugé que les maladies mentales sont incurables. Alors, on jette dans un précipice les gens que l’on en déclare atteints. On ne fait rien pour les sortir du puits. S’ils guérissent seuls et que cela se voit trop, on les laisse s’échapper après mille efforts de leur part. S’ils gesticulent, on ne les calme pas, on les immobilise. Pour se mettre en règle avec sa conscience, la société de 1838 a bâti une loi. Elle tient en ces mots : « Ce citoyen nous gêne, enfermons-le. S’il veut sortir, ouvrons l’œil. » Notre devoir n’est pas de nous débarrasser du fou, mais de débarrasser le fou de sa folie. Si nous commencions ? »
– Albert Londres,
Chez les fous.

 

Nous jouons enfin le spectacle et les ombres sont multiples, partout, à chaque tableau différent. Le travail de création de Pierre Valente est mis en valeur et met en valeur Arnaud Redon, le comédien. Le théâtre est une création collective. Ça n’a jamais été aussi vrai. Nous prenons date avec les jeunes, avec le public présent. Nous reviendrons.
Joyeux anniversaire à l’Université de Guyane qui fête cette année ses 10 ans. Nous avons fait notre part, nous reviendrons.
Merci à Florence Faberon pour son énergie et son envie de faire

 

 

Vendredi 17 novembre, nous fonçons à St Laurent du Maroni pour présenter une sixième et dernière fois en Guyane, en 2023, Au bagne. Les trois heures de route sont vite avalées. Nous faisons une simple halte à la boulangerie de Sinnamary. Sinnamary est devenu notre point de repère, le milieu de notre route, un rendez-vous que nous voudrions avoir régulièrement. Nous voulons en savoir plus sur EUDOXIE HERMINE BABOUL, doyenne des français, décédée en 2015. Nous trouvons que l’idée de lui dédier un gymnase dirigé vers la jeunesse est géniale. Nous nous disons que là aussi, nous retournerons.

Enfin, nous arrivons au Collège Albert Londres qui a eu l’amitié et la réactivité de nous recevoir, pour porter la voix du reporter dans le collège qui porte son nom. La boucle est bouclée. Pierre et Fabrice suspende des ampoules sous les tôles du Gymnase. Christophe branche son accordéon, teste le son et se dit que, pour un gymnase, le son n’est pas si mal. Arnaud et Etienne installent les tapis de sol, nous sommes dans un gymnase après tout, et les chaises. Tout sera bientôt prêt et plus de cent vingt enfants profiteront du spectacle. Il pleut à verses. Albert Londres, une sixième fois.

Merci à Mme Sandrine Dumont, principale adjoint et à l’ensemble des équipes logistique et d’entretien qui se démènent pour nous accueillir.

 

Aux Îles du Salut, les larmes, les larmes…

Samedi 11 et Dimanche 12 novembre 2023, Procédé Zèbre a présenté Au bagne devant les cellules du quartier disciplinaire des Îles du Salut, sur l’Île Royale.

Alors qu’ils marchent l’un à côté de l’autre entre les quartiers disciplinaires et les résidences des gardiens pour se mettre en place, Arnaud et Etienne, vêtus en Albert Londres et en porte-clé, se disent qu’il y a sans doute une photo à faire. Ça fait bien longtemps qu’on ne les a pas vus arpenter les allées, les chapeaux à bords larges, les casques coloniaux que l’un et l’autre portent. Là encore, comme à St Laurent du Maroni, les murs accueillent avec émotion et précision les ombres projetées.

Un groupe d’une vingtaine d’étudiants de l’Université de Guyane, accompagnés par Florence Faberon, occupe la salle des hamacs du camps des forçats et participe avec les professionnels du Zèbre de la pièce. Sous les manguiers immenses qui donnent aux capucins et aux agoutis les fruits que les bagnards n’avaient pas le droit de ramasser, ceux-ci participent dans un premier temps à un atelier d’écriture pour dire ce que sont, pour eux, jeunes de toutes les filières et d’âge allant de 18 à 24 ans, les nouveaux Bagne.

« Être enfermé. Être dans un endroit restreint. Ne plus avoir la liberté. Ne plus circuler. Être nulle part et quelque part, sans voix, sans issue, ne pouvoir rien faire. Très éloigné des autres, seul, coupé du monde. Sans porte de sortie, être emprisonné. Être dans le noir. »
– extrait des résultats de l’atelier d’écriture.

Ils participent ensuite à un atelier de théâtre et préparent leur implication dans le spectacle avec Fabrice Dubusset. Au moment où tous entrent en scène, comédiens professionnels et amateurs, ensemble, les dernières lumières solaires parviennent au public installé, une trentaine de chanceux qui dormiront le soir sur les lieux du bagne. Ils sont de Kourou, de Cayenne, d’ailleurs, de loin, de près. La lumière tombe comme l’espoir de partir, les lieux revivent comme ils ne le font que rarement.

Le spectacle commence. Arnaud Redon déclame les mots d’Albert Londres à l’endroit exact où Hespel, dit Chacal, est venu chercher plusieurs hommes et les a emmenés à la guillotine. On entend sa voix. On le voit même, on voit toute l’année qu’il passe à attendre son exécution. Arnaud déclame aussi les mots de Dieudonné dans les cellules qui l’ont reçu, après ses premières tentatives d’évasion. On a rarement senti plus juste et plus nécessaire l’aventure qu’il peint jusqu’au Brésil.

Le lendemain, à l’heure de monter sur la navette, on sent bien l’évidence, les Îles du Salut sont absolument magnifiques mais on ne voudrait pas y rester plus, parce que le bateau s’en va, et que tout y fermé, que des grilles empêchent d’accéder au confort, alors on ne voudrait pas rester une nuit de plus, on veut partir. Les bagnards, Albert Londres et Arnaud Redon quand il les cite ont raison. Il faut partir.

 

 

Le théâtre, une fois de plus, redonne sens aux pierres construites et empêche l’oubli. Il fait revivre ce que d’autres ont vécu. Il permet à la vie de traverser le temps.

« Cher Albert L, nous voici enfermés dans cet endroit. Privés de toute liberté, pas loin de la mer, on entend les vagues mais on ne peut pas se baigner. La mélodie des oiseaux, le vent qui nous caresse la peau nous rappelle notre existence malgré tout.
Le monde de l’extérieur évolue progressivement mais on ne cesse d’être enfoncé dans la terreur, la misère et le noir.
Vous, le porte-parole des désespérés, on veut que notre silence atroce envahisse les oreilles de la société. Plaidez notre cause ! »

« Nous sommes dans un endroit qui ne veut rien dire. Nous sommes dans un endroit sans loi, sans règle. Nous sommes dans un espace où règne le déjà là, l’état de fait. Voilà, voilà, voilà. C’est ça la règle qui n’est pas. L’état de fait.
Si c’est fait, c’est que c’est possible mais peut-être que ça ne le sera plus. Ça, on ne le sait pas. Peut-être, pas sûr. En plus, on ne sait pas d’où ça vient ni comment. La lumière s’éteint et c’est douloureux, et on ne sait pas où ça fait mal. C’est tout.
Nous sommes ici, c’est tout, à ne comprendre que ce qui est, et pas ce qui sera. Nous sommes là mais nous ne voyons pas. Un cercle d’êtres élevés cerne notre regard et qui s’éteint.
Avez-vous déjà connu le silence, monsieur ? Avez-vous déjà connu le noir, monsieur ?
Si c’est là, c’est que c’est possible. Pourtant, ça ne le sera peut-être plus. Comprenez-vous monsieur ? Car, si c’est le cas, expliquez-nous. »

Procédé Zèbre remercie chaleureusement Aurélie Schneider, Victor, Clémence, Sarah, Christophe, Sarafina et tous les bénévoles d’Agamis, ainsi que Florence Faberon et tous les étudiants de l’Université de Guyane qui se sont impliqués dans le projet.

Enfin, nous avons une pensée pour Jean-Michel Delpech, pour le blog qui tient. Merci !

 

Au bagne : le spectacle finit, le spectacle commence

Mercredi 8 novembre, 22h – Camp de la Transportation, St Laurent du Maroni.

Pierre Valente, régisseur, technicien, Géo Trouvetou formidable de la compagnie Procédé Zèbre finit de remettre les ampoules dans leur boîte, et demande au reste de l’équipe qui déjà a fermé les câbles et autres matériels dans d’énormes valises de voyage de tout emmener dans la Case 11 du Camp, sécurisée, gardée et où ampoules, câbles et valises passeront la nuit.

Dans la Case 11, des cinquantaines d’hommes ont passé des nuits innombrables jusqu’à la fermeture des camps. A l’époque aussi la Case 11 était sécurisée et gardée. Aujourd’hui, ce sont les bureaux et les réserves de la direction du Patrimoine de la municipalité de St Laurent du Maroni. On voit encore quelques traces sur les murs intérieurs, des anneaux où les forçats étaient ferrés.

Quelques heures plutôt, à quelques mètres de là, Arnaud Redon, courageux comédien incarnant tant Albert Londres qu’Eugène Dieudonné, a dit le dégoût et l’horreur que Londres a ressenti en découvrant ces cages. « Je n’avais jamais vu des hommes en cage par cinquantaines. » Derrière lui, vingt-six élèves de 1e et de terminale, tous présentant une spécialité théâtre au Baccalauréat criaient leurs mots pour Albert Londres, criaient leur découverte du Bagne et leur imaginaire bagnard : « Monsieur Albert, je suis horrifié… A l’infirmerie, on n’entend que mes gémissements… Sortez-moi d’ici ! »

Les murs du Bagne guyanais sont un théâtre idéal pour écouter les mots de Londres, les mots de leur propre ombre. Etienne Russias, debout, immobile dans la lumière, porte un casque colonial. Les murs n’avaient plus connu cette ombre depuis près de soixante-dix ans. La foule tremble. La Tenciaire pourrait revenir, son ombre plane.

Pour l’instant, le spectacle est fini. On sourit, on se remercie.

 

Jeudi 9 novembre, 10h – Lycée Bertène Juminer, St Laurent du Maroni.

L’équipe de Procédé Zèbre au complet arrive dans la salle de théâtre du Lycée. Ils scotchent des sacs poubelles sur les portes vitrées, et cherchent à faire le noir. Les rideaux bleus, épais et ondulés, sont un défi. Pierre Valente Géo Trouvetou et Fabrice Dubusset réfléchissent. Derrière eux, Christophe Nurit, délicieux musicien, installe des enceintes aux deux extrémités de la salle. Il ouvre les valises récupérées au Camp de la transportation, en sort les câbles qu’il déroule. Il en met partout. On lui dit que le son prend déjà toute la place, que ça suffit les techniciens du son qui n’en font qu’à leur tête et que, quand même, il faudrait laisser la scène au comédien. On rit.

Des guirlandes d’acier sont tendues sous le plafond de la place. Une salle de théâtre devient toute la Guyane, elle devient tous les possibles et tous les paysages qu’Albert Londres et Arnaud Redon peignent ensemble : le kilomètre 10 de la route coloniale numéro 0, les cellules d’Espel, dit Chacal, de Paul Roussenq, les rues désagrégeantes de Cayenne.

Les élèves étudient, sont en cours de maths, de lettres, de théâtre peut-être, ou de sciences naturelles. Bientôt ils rentreront dans leur salle transformée. Ce n’est plus une salle, c’est un monde. Le spectacle peut commencer.

 

 

 

Procédé Zèbre en Guyane // Le travail commence

« Écoute Mr Albert Londres, j’ai la rage. Vous savez pourquoi ? Parce que ces gens-là, à l’extérieur, me traitent comme si j’étais un sauvage. Comme si je n’avais pas de cœur ! J’en ai marre. Et aussi parce que je suis et j’ai été abandonné par le gouvernement. Je suis très triste de savoir que l’être humain peut faire ça à d’autres. Je suis très déçu par l’humanité. »

Le ton est donné ! Lundi 6 novembre 2023, Procédé Zèbre a commencé la conduite d’ateliers au sein du Lycée Bertène Juminer de St Laurent du Maroni. Au programme du jour, trois heures d’écriture et trois heures de travail théâtral pour les vingt-six élèves de la spécialité théâtre de l’établissement.

Ensemble, tous réfléchissent à ce qu’auraient à dire des bagnards nouveaux, de nouvelle génération, enchaînés à d’autres fers que ceux qu’Albert Londres dénonçait il y a 100 ans.

Quels seraient les tatouages que eux, jeunes Saint-Laurentais, feraient poser sur leur peau si, comme les bagnards d’alors, l’encre était une évidence, une occupation, une contrainte peut-être, et sans doute un cri ?

Nous réfléchissons ensemble. Le tatouage a changé, sa vue, sa perception aussi. Ils voudraient peut-être des fleurs au poignet mais aussi le mot Majesté !

Nous réfléchissons à ce qu’est un bagne. Et nous écrivons. L’aventure Guyanaise du Zèbre est lancée.

 

« Le Bagne c’est ma ville.
Le Bagne c’est aussi, peut-être, le 6 novembre.

Le Bagne, c’est des briques cuivre empilées, scellées et qui dessinent sur le sol des trous dans les ombres.
Un 6 novembre, des hommes en uniforme sali, peut-être, les ont empilées ces briques cuivre.
Un 5 novembre, hier soir, les briques dessinent une photo à prendre.

Le Bagne, c’est sombre parce que ça continue et ça tisse de ses murs de briques cuivre des exclaves de nouvelles générations. Ils marchent tête baissée, suspendus inversés à leur filtre bleu.

Les hommes en uniforme sali aussi marchaient tête baissée. Ils souriaient édentés.
Le Bagne, c’est une dent qui s’accroche dans une gencive crade.
Le Bagne c’est la solitude des branlants. C’est long, c’est bien long.
C’est bien long le bagne.

Il voudrait renaître le mur de briques cuivre parce que les racines le poussent et que, doucement, il s’écroule et dessine dans les ombres des croix étendues.
S’écrouler doucement, c’est ça le Bagne.

Être étendu le temps que dure la fin, ouvrir des croix sous les pieds des hommes salis, un 6 novembre ou un 5 novembre, un siècle plus tard.

C’est ça le Bagne, et ça dure. C’est bien long, le Bagne. »