Category Archives: Europe Créative

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ? Que sont flammes et pages ? 

Mardi après-midi, dans une petite salle sous les arches, on déplace les tables pour que tout le monde puisse se voir. C’est un rectangle mobilier dans la salle. La petite clé et son porte-clé bleu pendent dans la serrure. On écrit autour du mot autodafé. Tout de suite une petite voix, Qu’est-ce que c’est un autodafé ?. On pense ensemble, on réfléchit. Qu’est-ce que c’est un autodafé ? Et un incendie ? Et un livre qui brûle ? Seul ou en tas ? Ça change quoi ?

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un animal sauvage.

C’est impossible.

C’est le soir, assez tard.

C’est une chemise sombre.

C’est la somme des couleurs désagréables.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Une personne sans haine.

Un objet qui nous chauffe.

Un objet sur lequel on peut lire une fleur.

Un objet qu’on offre quand on aime quelqu’un.

Un livre, ravagé.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un monde sublime.

C’est un McDo.

C’est une blague, ou un lave-linge.

C’est une personne moche.

C’est une personne invisible.

C’est une maison.

C’est une mère.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un acte de protestation.

C’est une chèvre à trois pattes.

C’est joli, surtout la nuit.

C’est un élève qui dit toujours non.

C’est être aussi serré que des stylos dans une trousse.

C’est beau.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Des mots, qui brûlent.

Des cendres, qui volent au vent.

Des morceaux de papier, où on peut imaginer la page complète.

La souffrance des couvertures, qui essayent de résister au feu et de protéger les pages.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un livre en moins et du feu en plus, dans la cheminée.

C’est la folie.

C’est une maison.

C’est une prison.

C’est le soleil. Il brûle.

C’est une fleur.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un animal câlin.

C’est flou et liquide.

C’est dur et bizarre.

C’est un papier blanc.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est de l’art !

Et qu’est-ce que c’est l’art ?

C’est une table.

 

Qu’est-ce que c’est l’art ?

C’est déposé dans un endroit enflammé, en train de se calciner.

Ça rend les gens agités.

C’est une chose qui porte les objets du quotidien.

C’est un ensemble d’objets qui ont le même principe technique qui répondent aux mêmes besoins.

C’est une chose qui permet de fermer les portes.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Ce sont des gens qui ont décidé de ce qui est écrit dans le livre.

C’est un ordre de le brûler.

C’est, par exemple, Alice au pays des merveilles en Russie.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est une personne qui ne t’aime pas mais qui ne peut pas te voir.

Ce sont des chiens.

C’est la laideur.

C’est Dubaï.

Ça ne sert à rien.

Ça te gâche la vie.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

C’est un ouvrage qui part en cendres.

C’est un objet qui sert à poser quelque chose dessus.

Ce sont plein de morceaux de papier.

C’est un animal mythique ayant deux cornes.

C’est un handicap.

 

Qu’est-ce que c’est un livre qui brûle ?

Une sœur. Un fermier.

Un nuage. Un fou.

Un chat. Un voleur.

– écriture collective. Mardi 28 février, Cusset, Collège St Joseph.

Les livres bruleront-ils ? // Troisième atelier d’expérimentation pédagogique.

Du 27 février au 3 mars, l’équipe de Miroir d’eau – Water Mirror travaille avec des jeunes collège St Joseph de Cusset et leurs professeurs pour mettre en place une performance à Vichy.

Au premier jour, les trois équipes se réunissent pour consolider les acquis d’expérience de tout le travail achevé jusque-là. L’après-midi, tous se découvrent avec des exercices d’échauffement, de mise en commun, d’échange, de confiance.

On rit, on se demande si 45 personnes peuvent passer dans le rond central d’un terrain de basket, alors on essaie. C’est large. On pourrait être plus nombreux. On supporte la densité. Ce n’est pas si dur.

Toute cette semaine et le travail à venir en Bourbonnais est tourné vers le symbole des livres brûlés. Qui sont les auteurs interdits ? Où et quand ? Qu’évoque un livre qui brûle aux jeunesses européennes ? Est-ce qu’on a le souvenir des tas de livres brulés sous les chants de haine, quand on a treize ans ?

On parle, on se question et on cherche.

Premiers enseignements : Lewis Caroll et son Alice ont été interdits. Les Fleurs du mal de Baudelaire aussi. Sherlock Holmes, Le Seigneur des anneaux, Harry Potter, Anna Politkovskaïa. Stefan Zweig aussi, évidemment.

« J’ai dû être le témoin impuissant et sans défense de l’inimaginable régression de l’humanité à un état de barbarie qu’on croyait oublié depuis longtemps. Aujourd’hui encore, nous sommes de nouveau à un tournant, une conclusion et un nouveau début. Mais si ce témoignage permet de sauver des décombres ne fût-ce qu’une parcelle de vérité, et de la transmettre ainsi à la génération qui nous suit, nous n’aurons pas œuvré en pure perte. »  Stefan Zweig – Le Monde d’hier, souvenirs d’un Européen.

Ils nous rassemblent. Sans doute, ils nous ressemblent aussi. Un peu.

Bosnie – Février 2023 // Témoignages

Du 13 au 17 février 2023, des jeunes bosniens ont réfléchi à une question simple : « To stay, or to go ? », Partir ou rester ?

Ils ont joué devant leurs familles, les amis de la compagnie Studio Teatar et l’équipe pédagogique du Katolički školski centar Sv. Pavao de Zenica. Voici quelques témoignages des participants.

For me, 5 beautiful days. I enjoyed every moment and I liked all the exercises we did. It was nice and fun and I’m looking forward to work with you again. You are great and thanks to all. See you soon.

Za mene, 5 predivnih dana. Uživala sam u svakom trenutku i svidjele su mi se sve vježbe koje smo radili. Bilo je lijepo i zabavno i radujem se ponovnom radu i druženju sa vama. Divni ste i hvala vam svima. Vidimo se uskoro.

I learned a lot of new things. How to express emotions, for example. I thought I wouldn’t like it, but I did. Every day was interesting. I would like to continue with this project and I hope I will use the things I have learned.

Naučila sam dosta novih stvari. Naprimjer, kako izrazoti emocije. Mislila sam da mi se sve ovo neće svdijeti ali jeste. Svaki dan je bio zanimljiv. Voljela bih da nastavimo sa ovim projektom i nadam se da ću uspjeti primijeniti stvari koje sam naučila.

 

 

– new, – curious, – interesting, – calming, – fun, – fluid, – connection, – timing, – awareness, – space, – territory, – push, – pull, – trust, – advice, – improvise, – sounds, – vocals, – home, – improvement, – experience, – limits, – concentration.

These past few days, I felt more connected with my body, knowing my limits and pushing them.

 

 

Day 1

Lots of new faces.

Some looked nice, some ferocious.

I couldn’t stay for long but

I was excited for the next day to come.

 

Day 2

This time, I was late.

I couldn’t hide my shame.

Yet, when we started to

Play, pretend, everything

Turned out okay.

 

Day 3

Now I know everyone.

Name, their voices aren’t the same

But when everyone started to

Sing, I think we made an

Amazing melody.

 

Day 4

Today we push and pull

Our hearts and moves, combined.

Dancing isn’t really my

Forte, still I happily learned

Faster than you can say “One L b’”.

 

Day 5

All we learned become

An act, one where we could

All enact, everything we learned

So far – thinking of it makes me laugh.

 

 

  1. Day – Funny day, everything was really good except one thing. I did not like ninja the same because I lost against Nusmir in Final round.
  2. Day – A lot of good exercise and a new knowledge. Zlatan is a master of art.
  3. Day – Some really good exercise but Christophe’s rhythm exercise was really hard for me. But I like Christophe, so it doesn’t really matter. One of the most famous songs in my country.
  4. Day – Hard! (For me) but the passion from Fred, Fra and Marina impress me. I really love it. I know I am a bad dancer but I was giving my best!
  5. Day – Proud !

I am really happy because I spent my time with young people. People who are ready to make changes, people who are ready to talk about problems. If we tell our story correctly to just one person, we will be able to say we did a good job. Let the journey continue.

 

 

These four days, while I was here, were my escape from reality. All the problems, worries, responsibilities, have gone away while hanging out and working with all different and special friends. I’m so glad that I’ve decided to join. Maybe today is just a fifth day of the workshop, but after a week or two, while I’m sitting in class or studying at home, etc… I’ll remember all exercises we did together. I like trust games, Zlaya’s relaxing imagination, the dance choreography, poem, song we sang together, true and the dancer., and them I will probably smile and use them sometimes later in life, while working, hanging out with other groups.

Today, I am also really emotional. We showed people that in short time we can have a great performance with such a deep message.

None of us knows where are we going to be in a few months, or years, but I am sure I will remember all of you and you will all have a special place in my memory. Love.

 

 

Une nation c’est incertain.

Je me demande à partir de quand elle disparaît et à partir de quand elle vaut la peine qu’on s’inquiète pour elle.

Est-ce que ce ne sont pas les gens qui priment ? et leur trajectoire ? Serait-elle individuelle ?

 

Nous sommes sortis de Bosnie, lentement.

Tout doucement. Ne nous attendaient que des carreaux de carrelage fatigués.

Comme une condamnation à les nettoyer.

Et si c’était ça qui attendait ceux qui fuient ? Ceux qui partent sans regarder le foyer de leurs pères ?

Du carrelage froid ?

Ou peut-être notre temps ?

Ou peut-être est-ce la course effrénée de ceux qui n’y croient plus ?

Et s’il fallait croire en quelque chose pour s’arrêter quelque part ?

 

Nous avons appris que

Toute question individuelle est aussi collective.

L’intime et le politique s’emmêlent toujours.

Je veux découvrir et voir et apprendre et

Danser dans toutes les langues.

Autant que je veux que ma terre reste mienne quand j’y reviens.

 

Pourtant les hommes ne sont-ils pas dangereux pour mes forêts bien aimées ?

Les hommes ne sont-ils pas dangereux pour les arbres ?

Ne devrions-nous pas partir ?

Ne devrions-nous pas, tous, partir, pour sauver

Ce qui a fait de nous ce que nous sommes ?

Ce qui nous fait tenir ne sera jamais

Autre chose que les histoires qu’on raconte aux enfants le soir.

Il faudra bien continuer à les écrire,

A les raconter et à les danser.

C’est pour ça que nous sommes revenus.

 

C’est pour ça que nous avons raison nous inquiéter.

Si tous partent,

Si tous les grands s’en vont,

Qui nourrira les rêves ?

 

A nation is uncertain.

I wonder when it disappears and when it is worth worrying about.

Isn’t it the people who come first? And their trajectory? Would it be individual?

 

We came out of Bosnia, slowly.

Very slowly. Only tired tiles were waiting for us.

Like a condemnation to clean them.

What if this is what awaits those who flee? Those who leave without looking at their fathers’ home?

Cold tiles?

Or maybe our time?

Or maybe it’s the frantic race of those who no longer believe?

What if you have to believe in something to stop somewhere?

 

We have learned that every individual question is also collective.

The intimate and the political are always intertwined.

I want to discover and see and learn and dance in all languages.

As much as I want my land to remain mine when I return to it.

 

Yet aren’t men dangerous to my beloved forests?

Aren’t men dangerous for the trees?

Shouldn’t we leave?

Shouldn’t we all leave, to save what has made us what we are?

What makes us what we are will never be anything more than the stories we tell our children at night.

We must continue to write them,

To tell them and to dance them.

That’s why we came back.

 

That’s why we have reason to worry.

If all leave,

If all the great ones leave,

Who will feed the dreams?

Crédit photo : Davide Bonnetti.

Les reflets peuvent apparaître/Reflections can appear

Les reflets ne sont pas difficiles à trouver pour ceux qui les cherchent. Pourquoi met-on des chaussures épaisses quand on vient dans une école chauffée ?

Crédit photo : Wikipédia, « Vue de Zenica depuis la rivière »

Il y a une fille discrète qui a des lunettes rondes et des cheveux roux. Elle est facile à reconnaître, elle remonte ses lunettes de son index droit et cherche à ne pas être vue. Son sourire annonce qu’il n’est pas là. Son sourire annonce qu’elle non plus. D’ailleurs, son pull trop grand dit la même chose. Elle disparaît dans le vide qu’il ouvre autour de ses hanches. Elle rit étonnée d’être là, au milieu de lui, au milieu de son pull mauve.

Elle porte sous elle des godillots. C’est bien plus pratique pour fuir les godillots. Les tennis fins ou de course sont les chaussures de ceux qui ne réfléchissent pas. Les tennis sont les chaussures de ceux qui fuient par instinct ou par coup de chance et plus surement encore de ceux qui ne fuient pas.

Il faut ne pas réfléchir pour pense qu’on fuit en tennis. Les godillots passent les collines, passent les chemins et les ruisseaux fins.

Je me souviens des images que nous avons vues au troisième étage d’un immeuble discret de Sarajevo. Peut-être était-ce au quatrième ou au deuxième. Je me souviens qu’il y avait sur les boutons de l’ascenseur indiqués des bureaux de la Délégation de l’Union Européenne et un dentiste. Le Dentiste occupait les deux premiers étages. Peut-être avait-il un duplex à Sarajevo.

Il n’y avait pas grand monde pour pense à un duplex à Sarajevo sur les images que nous y avions vues. Il y avait des hommes sales qui poussaient leurs pas dans de godillots, comme étonnés d’être là. Aucun d’entre eux n’avait de tennis, et pourtant ils avaient fui par chance.

Peut-être que c’est ce qu’elle prépare, la fuite par coup de chance. On ne sait jamais ce qui arrive aux incertains.

Crédit photo : Gallery 110795

Reflections are not hard to find for those looking for them. Why do you put on thick shoes when you come to a warm school?

There is a discreet girl with round glasses and red hair. She is easy to recognize, she pulls up her glasses with her right index finger and tries not to be seen. Her smile announces that it is not there. Her smile announces that she is not either. Moreover, her too big sweater says the same thing. She disappears into the void that it opens around her hips. She laughs, astonished to be there, in the middle of it, in the middle of her mauve sweater.

She wears boots. It’s much more practical to run away. Thin or running sneakers are the shoes of those who do not think. Tennis shoes are the choice of those who flee by instinct or luck, and even more so of those who do not flee.

One must not think to consider that one escapes in tennis shoes. The boots pass the hills, pass the paths and the fine streams.

I remember the images we saw on the third floor of a discreet building in Sarajevo. Maybe it was on the fourth or second floor. I remember that on the buttons of the elevator were indicated offices of the Delegation of the European Union and a dentist. The Dentist occupied the first two floors. Maybe he had a duplex in Sarajevo.

Crédit photo : Gallery 110795

There were not many people to think of a duplex in Sarajevo in the pictures we saw there. There were dirty men pushing their steps in boots, as if astonished to be there. None of them had tennis shoes, yet they had escaped by chance.

Maybe that’s what she’s up to, escape by luck. You never know what happens to the uncertain ones.

Dobre Iutro, bon matin !, On continue à Zenica.

Au premier petit-déjeuner, dans le restaurant de l’hôtel Fontana de Zenica, les équipes de Procédé Zèbre et de Lelastiko essaient de se souvenir comment on salue en bosnien.

–        Dober dan on dit, non ?

–        Non non… Ce n’était pas ça !

–        Ma come dire?

–        « Dobre iutro », credo. Aspetta, chiediamo al barista!

–        Il a dit quoi Nusmir hier quand on l’a vu ? Dobre quelque chose ?

–        Dobre quelque chose dan ?

–        Non, c’est pas ça.

–      Dobre c’est pas ça dan ?

–        Il a dit quoi le monsieur qui sert les cafés ?

–        Dobre iutro !

Les travaux reprennent. Nos trois équipes travaillent au sein du Katolički školski centar Sv. Pavao de Zenica avec une quinzaine de jeunes qui ont entre quinze et vingt-deux ans.

Ce travail commence lundi 13 février et se perpétue toute la semaine. Vendredi 17, les jeunes et les artistes de Procédé Zèbre, de Lelastiko et de Studio Teatar proposeront à Zenica une performance. De plus, jeudi 16, les jeunes de Zavidovici avec lesquels nous travaillons dans le cadre du projet Erasmus WiM Laboratories Iuvenis II travailleront aux côtés d’une équipe mixte composée de Nusmir (Studio Teatar), d’Arnaldo (Lelastiko) et de Marion et Etienne (Procédé Zèbre).

Les laboratoires des jeunesses européennes se penchent sur les Miroirs d’eau. Quels reflets y verront-ils ? Quelle image en tirerons-nous ?

Sans doute une image hésitante, peut-être floue à cause d’un galet qui en tombant fait des ronds dans l’eau, à la croisée du sérieux et du léger. Nous danserons d’avoir goûté les saucisses de Francfort lorsque nous hantions son hub, nous citerons Anglade et Di Ruscio que nous lisons pour préparer les prochains projets, peut-être Annie Ernaux qui habite aussi la table du petit déjeuner. Peut-être y verrons-nous ressurgir les roses de Sarajevo, les cygnes noirs de Zavidovici, les guerres qui nous habitent et la paix que nous voulons défendre. Peut-être ou peut-être pas.

Peut-être des visages éclairés par des téléphones indécollables, ou alors les amphithéâtres des lycées qui savent encore être des lieux de danse, de joie et de communion. A voir ! On va travailler pour ça mais en attendant, Dobre Iutro !

Part. 2 : Brescia – Janvier 2023 // Où vont les oiseaux quand on les libère ?

Some birds go to Brescia in January of 2023, and together with other birds, in an inspiring dance studio, they learn by watching the reflections in the water. They whisper to us that they are creating a safe space that is still hidden from the public eye, but when the time is right, everyone will be invited to testify that this was not just a dream.

In this week, the organization Lelastiko entered the second phase of the implementation of the Water Mirror project. That means that this week we are working intensively with friends and colleagues from the Organization Procede Zebre from Vichy (FR) and Studio Teatar from Zenica (BiH). We explore our cultural heritage, we exchange experiences among participants from three countries, and we create the first glimpses of artwork for a series of activities planned by the project that will be implemented in the next two years. We share the space, time and knowledge with authors, artists, actors, musicians, performers, and dancers that are both – professionals but also amateurs. With these pictures, we invite you to travel with us and try to imagine what is next. 

 

 

Où vont les oiseaux libérés ?

Certains oiseaux sont à Brescia et avec d’autres, dans un studio de danse inspirant. Ils apprennent en regardant les reflets dans l’eau. Ils nous murmurent qu’ils sont en train de créer un espace sûr, encore caché aux yeux du public, mais que le moment venu, tout le monde sera invité à témoigner que ce n’était pas qu’un rêve.

Du 16 au 20 janvier 2023, nous sommes entrés dans la deuxième phase de la mise en œuvre du projet Miroir d’eau – Water Mirror. Cette semaine, nous avons travaillé intensivement avec nos amis et collègues de Procede Zebre de Vichy (FR), Lelastiko de Brescia (IT) et du Studio Teatar de Zenica (BiH). Nous explorons notre patrimoine culturel, nous échangeons des expériences entre participants de trois pays, et nous créons les premiers aperçus d’œuvres d’art pour une série d’activités mises en œuvre dans les deux prochaines années. Nous partageons l’espace, le temps et les connaissances avec des auteurs, des artistes, des acteurs, des musiciens, des interprètes et des danseurs qui sont à la fois des professionnels et des amateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dove vanno gli uccelli quando vengono liberati?

Caracas, Strada per bridisi in Agosto

Ciudad de Juarez

Foresta incendiata, carbonizzati tra piemonte et Liguria.

Paris, Montmartre

Islandia

Madagascar

Vanno allá toilette nella stazione di Milano

Poi vanno al lago

Vanno a uchisar in cappadocia

 

 

Où vont les oiseaux qu’on libère ?

À Caracas, ou sur la route de Bridisi en août.

Ciudad de Juarez, peut-être ?

Dans une Forêt brûlée, carbonisée entre le Piémont et la Ligurie.

Paris, Montmartre.

L’Islande !

Madagascar.

Ils vont aux toilettes dans la gare de Milan,

Puis ils vont au lac.

Ils vont à Uçhisar, en Cappadoce.

 

Where do the birds go when they are released?

To Caracas, or on the road to Bridisi in August.

Ciudad de Juarez, perhaps?

In a burnt, charred forest between Piedmont and Liguria.

Paris, Montmartre.

Iceland!

Madagascar.

They go to the bathroom in the Milan train station,

Then they go to the lake.

They go to Uçhisar, in Cappadocia.

 

Crédits photo : Ferida Abdagic et Davide Bonnetti.

Part. 1 : Brescia – Janvier 2023 // Où vont les oiseaux quand on les libère ?

Les laboratoires du projet Miroir d’eau – Water Mirror reprennent. Du 16 au 20 janvier, les équipes de Procédé Zèbre, de Studio Teatar et de Lelastiko sont réunies en Lombardie pour entamer le processus d’expérimentation pédagogique et artistique avec un groupe composé de jeunes étudiants de l’université voisine et de personnes âgées, de femmes de plus de soixante-dix ans, habituées des projets de création participative que développe la compagnie de danse bressane.

Les recherches orientent notre travail autour d’un double enjeu.

 

Les plantes et les oiseaux migrent. Ils migrent par leurs stratégies de survie. Ils migrent en trouvant à semer au vent, à se glisser dans les interstices. Ils migrent en posant leurs œufs au creux des falaises. Ils migrent en définissant des possibles, des normes minuscules, fragiles ou gigantesques. Le pissenlit sème au vent. L’hirondelle survole la Méditerranée. Toutes les stratégies historiques, ancrées dans l’habitude, sont bouleversées.

 

Les hommes, eux, se choisissent des leaders. Se choisissent des rois, des chefs, des symboles de domination. Puis les brûlent.

 

Les hommes élèvent des tyrans et se soumettent à leur joug. Les hommes élèvent des statuts pour les abattre, le temps fait toujours son œuvre et réussit à vaincre jusque-là pierre la plus dure. Toutes les stratégies historiques seront-elles bouleversées comme le vol des hirondelles ?

Où vont les oiseaux quand on les libère ?

 

Un échange avec des invités, des journalistes et les amis du travail en cours est organisé vendredi 20 janvier en début d’après-midi. Peut-être aurons-nous trouvé des pistes de réponses.

 

Dans la cuisine de ma maman,

Dans mon lit d’enfant, sous la flanelle ou le coton ?

Sur la place où ados, nous traînions sur le banc

Et ancrions nos noms de coups de compas ?

Devant les machines bruyantes,

Dont le chant étouffe les images et les velléités ?

Devant des télévisions morbides ?

 

Le long du petit ruisseau qui s’ouvre comme un livre

Quand on suit le petit chemin, secret, que je connais ?

Sur les pentes interminables que je cours encore et encore,

Pour l’exercice, pour parler, pour sentir, et encore ?

Sur les flancs des montagnes des croissances qui,

De leur murmure venteux, disent offrir une demeure

A l’égaré incertain ?

A l’égaré incertain ? y vont-ils ?

 

Au bureau de vote ?

Dans les bastions ?

Dans les rues trop froides ? Dans les salles de boxe ?

Sous les poings des ratonnades

Ou écrire des romans ?

Vont-ils témoigner ? Pour changer quoi ?

Vont-ils dire que que ça recommencera

Ou porter sur leurs ailes un espoir nouveau ?

Vont-ils construire des ciels à ouvrir

D’un piaulement maladroit ?

Crier et décrocher des tuiles sur les ruelles froides ?

 

Où vont les oiseaux, quand on les libère ?

 

Crédits photo : Ferida Abdagic et Davide Bonnetti.

Fin de l’étape 1, des certitudes et des rendez-vous.

Du 19 septembre au 15 octobre, les quinze artistes impliqués dans le projet Miroir d’eau – Water Mirror ont été réunis pour trois semaines d’expérimentation, de réflexion, de découverte et d’écoute en Lombardie, en Bosnie puis en Bourbonnais.

De ces trois premières semaines sont nées de nombreuses certitudes :

–        Nous aimons être et faire ensemble. Nous aimons recevoir des mots dans des langues multiples, faire appel en permanence à l’autre, appeler pour une traduction ou un sourire, danser, jouer, chanter ensemble et apprendre beaucoup, de tous les côtés.

–        Nous avons compris que notre projet porte en son essence la puissance de changer la hiérarchie de l’apprentissage. Une puissance, presque nietzschéenne, qu’il nous incombe de transformer en concret.

–        Nous savons l’important de questionner la conscience permanente de chacun des participants, son aptitude à recevoir, à donner son savoir et à mettre en voix, en geste, en mouvement les sujets et les objets que nous rencontrons.

–        Nous relisons les textes de Zweig, et nous comprenons à leur lumière l’idée de Miroir d’eau. Zweig n’était pas visionnaire. Joseph Roth l’était plus que lui. Toutefois, il a dans son œuvre autobiographique une lucidité évident et une relecture éclairée du passé. Il donne à voir l’incapacité des sociétés européennes à agir à temps. Il nous donne à voir des sentiments, des attitudes, des non-aptitudes qu’il nous faut appliquer aux événements de notre actualité pour donner à Zweig sa puissance d’agir. Il s’agit de ne pas recevoir tel quel son texte, il s’agit de changer la hiérarchie de l’apprentissage.

–        Les rendez-vous sont pris.

Nous nous reverrons très bientôt par visio pour affiner la suite. Prochaine étape de travail, du 16 au 20 janvier à Brescia en Italie. Nous commencerons l’expérimentation avec des groupes de publics. Joie.

Dernière semaine de recherche : ouverte aux énergies vichyssoises.

Chaque année, le festival Water is Memory commence le 13 mai. En 2023, ce sera le
samedi 13 avec une performance inédite, créée à partir du processus de création du projet
Water Mirror. Il impliquera sur scène des artistes parmi ceux qui participent depuis plusieurs
semaines de la construction de notre Miroir d’eau, des élèves et des professeurs, des jeunes
encadrés dans le cadre de dispositifs sociaux ou de soin, etc…

Pour terminer la mise au point de ce dispositif, les trois compagnies impliquées sont réunies
du 10 au 14 octobre à Vichy et travaillent dans la salle Roger Caillois du Centre culturel de
Vichy, grâce à l’énergie, l’amitié et la mise à disposition du lieu par Vichy Culture : ici.

 

Pour lancer leur semaine, les treize artistes, donc, travaillent le corps et le chœur, l’union du
groupe, la fuite et la dispersion. Réunis pour affiner la recherche, ils peuvent s’appuyer sur
les deux premières semaines vécues.

Treize artistes travaillent, pour achever bientôt un treizième jour de travail le jeudi 13
octobre. Même si elle n’est pas parfaitement calculée, on ne manquera pas d’identifier
l’évidente symbolique et, au moment de faire émerger des textes dans la bouche des
comédiens arpentant les planches, en plus de Stefan Zweig et de l’incontournable Pier Paolo
Pasolini qu’affectionne Arnaldo Ragni, comédien et metteur en scène bressan, sans doute le
plus vichyssois de tous les artistes étrangers, ils choisiront peut-être des extraits de Treize,
performance incontournable de Procédé Zèbre, construite au Cercle Hyppique à partir de
textes de Chochana Boukhobza.

 

Dans la perspective d’inscrire le travail de recherche dans la mémoire de Vichy et du
Bourbonnais, d’ouvrir le projet à toutes les inspirations, les opinions et les envies, un
ensemble de rencontres se mettent en place tout au long de la semaine :
– Les déjeuners de l’équipe artistiques ont lieu au sein du Lycée St Pierre de Cusset,
partenaire historique de Procédé Zèbre et du projet Water Mirror. Les élèves y
retrouvent d’ailleurs des artistes avec lesquels ils ont collaboré par le passé, Fabrice
Dubusset, Arnaldo Ragni, Marina Rossi. On parle de théâtre et de danse entre les
cours de maths.
– Une visite de la ville sera assurée par une élève et une professeure d’histoire, Brigitte
Brihat, co-coordinatrice des projets européens pour le compte de l’établissement.
– Une visite de la synagogue de Vichy est portée par les membres de l’Amitié Judéo-
Chrétienne de la ville et de l’association Théodore Monod.
– Des rencontres avec des journalistes ponctueront la semaine.
– Enfin, une étape de travail sera proposée vendredi 14 octobre à 15h. Tous les
partenaires du projet dans l’Allier sont invités à y prendre part.

Cette présentation, sur le modèle de celle qui a été proposée à Brescia à la fin du premier
laboratoire de création, mettra fin à la première période d’expérimentation du projet, celle
pendant laquelle les artistes étaient réunies pour définir ensemble comment ils aborderont,
au premier trimestre 2023, la participation d’amateurs aux profils divers sur le plateau.

En attendant l’ensemble de ces rendez-vous, on répète ce qu’on dira aux comédiens
amateurs : « Pour signifier « I love you », il n’y a pas besoin de le dire et il ne suffit pas
d’offrir des fleurs. On peut le garder sur les lèvres ou l’hurler avec les yeux et que ce soit

entendu jusqu’au bout des murs. Pour dire « I love you », les mots ne peuvent pas être
assez. C’est un ensemble qui ne se divise pas et qui, sans doute, ne s’étudie que peu. C’est
un élan qui part des pieds, engage les épaules et termine sur le cœur de celle ou de celui qui
le reçoit. « He loves me. ». » – Nusmir Muharemovic, Cie. Studio Teatar. Vichy, 10 octobre
2022.

Crédit Photo : Davide Bonetti

Europe Creative // Laboratoire bosnien : sur le signe du lino

 

Il y a des possibilités en nombres

Sur le lino

Des coudes qui touchent des coudes

Sur le lino

 

Un contact à ne pas perdre

Mais des yeux qui ne se croisent pas

Sur le lino ils n’ont pas le temps

Il y a un contact à ne pas perdre

 

Un corps se baisse, l’autre suit

et déjà il guide.

Déjà il ne guide plus,

Il rampe sur le lino avec le premier

Qui, lui, avait décidé de se baisser.

 

Il y a une perle de sueur sur le front de

Celui qui écrit, au fond de la salle.

Les danseurs et les danseuses sourient.

 

Au fond aussi, des tables portent des bouteilles d’eau.

Le lino porte les tables.

 

On a écrit des prénoms sur des gobelets,

Pour ne pas les perdre. Le jeu reprend.

On rit.

 

Groupe de corps ! C’est central

La scène regarde de loin.

Le lino supporte.

Il y a une compétition pour le cœur

Une entraide à l’extérieur

On se demande si les danseurs,

Feux follets souriants, n’ont pas envie

De courir le lino comme ils courraient aux champs.

 

On a dit du plafond et de la scène

Qu’ils sont meringués.

 

La pause dure dix minutes.

Il faut remettre son pull

Pour ne pas prendre froid.

 

Les musiciens ont envie de jouer.

Ce n’est pas facile.

Travailler, c’est travailler.

 

Une perle de sueur, deux sans doute

Habitent le front de celui qui écrit, au fond.

Le lino se reposera la semaine prochaine.

Pour l’instant, nous sommes présents.

 

Derrière la Fenêtre, un poids lourd passe

Indifférent.

 

Travailler, c’est travailler

Et anticiper que ça ne suffira jamais.

 

Toujours, il y aura le poids des bras sur les presses. 

 

Procédé Zèbre, Lelastiko et Studio Teatar sont réunis du 26 septembre au 1er octobre, à Zenica et Sarajevo pour la deuxième semaine des laboratoires de création du projet Water Mirror – Miroir d’eau. 

Toute la semaine, Nusmir Muharemovic et son équipe ont invité des intervenants internationaux pour nous accompagner parmi lesquels Thomas Steyaert, chorégraphe flamand installé en Bosnie-Herzégovine. Les rencontres sont fortes. Les corps engagés.